Villa
de Suède 24 Juin 1916
Mon Jean bien aimé
Je t’écris de notre petit jardin ou
il fait déjà bien chaud et je songe avec mélancolie à ce que tu as à supporter,
à ce que tu supportes sans doute mon enfant chéri pour qui je donnerais ma vie
si volontiers si elle pouvait t’enlever, t’épargner de la souffrance !
mais je ne puis rien, rien pour toi que prier, prier sans me lasser et t’envoyer
à travers la distance toute mon âme. Si je ne puis t’enlever ta souffrance,
Dieu est près de toi pr t’aider et pr te tendre sa main secourable.
Je ne sais toujours rien de toi
depuis quelques jours. Je reçus le 21 une carte du 14 et depuis j’attends toujours
avec angoisse. Que Dieu ait pitié de nous.
Na t’envoie un baiser de sa mignonne
petite main. Si tu savais comme elle embrasse ta photo ! Elle devient si
intéressante. Je pense qu’après ces jours terribles que tu passes tu auras un
congé. J’ai rencontré en route revenant de Marseille des soldats qui allaient
en congé après être allés à Verdun et je m’arrête parfois à cette idée en
tremblant déjà d’émotion. Quel beau jour ce sera.
Visite de Mme
Brun. Son fils trouve le temps très long et écrit bien mélancoliquement.
Nounou attend ma lettre pr
l’emporter je n’ai plus que le temps de t’envoyer de douces caresses.
Ta vieille maman