Villa
de Suède, ce 10 Juin 1916
Mon chéri,
Tranquille journée au calme, près de
toi toujours. Mais voilà que forcément après avoir été très privilégiée, très
gâtée, je dois rester quelques jours sans nouvelles ; il faut leur laisser
le temps d’arriver, les quatre jours de rigueur et pendant ce temps je me
morfonds. Où es-tu ? Mon aimé mon bien aimé ! Les temps sont de plus
en plus sérieux. On sent il le semble du moins, que les évènements se
précipitent ; on le désire, et cette pensée nous angoisse horriblement.
Voilà les Russes qui font de la belle besogne. Nos vaillants soldats font aussi
tout ce qu’ils peuvent. Mais ils ont du céder ce fort de Vaux convoité devant
les moyens coutumiers à l’ennemi et l’on supplie Dieu à genoux lorsqu’on songe
que l’on peut avoir son fils dans la même tourmente.
J’ai aujourd’hui la petite modiste Marie
Agon [?] pr rafraichir mon chapeau ; elle me dit que Artignan que tu
dois connaitre a été dégradé, était redevenu simple soldat parce qu’il se
blessait volontairement. Je plains bcoup ses parents.
Demain Pentecôte ; je souhaite
que tu sois au repos que tu puisses réunir tes protestants et les fortifier.
Que l’Esprit de Dieu te guide et te soutienne. Je serai plus que jamais en
pensée avec toi.
Je pense aller ce soir au culte.
Adieu mon fils chéri. Je t’embrasse
de toute mon âme.
Ta mère
Math P Médard