Le
18 le bombardement redouble. Un seul obus bien placé tue cinq hommes de la
section. Un des sergents est blessé, un autre tué, un petit Rémois, que nous
appelions « le Gouri » (le gosse) [Clément Lefèvre]. Nous subissons
en même temps une autre épreuve celle de la puanteur des cadavres d’hommes et
de chevaux qui sont restés sur le terrain. Carnet de Jean Médard |
Le soir nous
évacuons les blessés, nous communiquons avec notre nouveau commandant de
compagnie. Celui-ci s’est réfugié ainsi que le chef de bataillon, son petit
état-major, et les hommes de liaison dans un petit abri bétonné, le « P.C.
batterie », qui faisait partie autrefois des défenses arrière du fort, non
loin de nos trous. Ils s’y sont entassés. J’y reçois un ordre absurde qui émane
sans aucun doute de notre ineffable colonel.
Il s’agit de construire une
tranchée en crémaillère à une cinquantaine de mètres en arrière des positions
que nous occupons. Une tranchée en crémaillère ! alors que le bombardement
ne cesse d’effacer sur des kilomètres carrés autour de nous tout ce qui peut
ressembler à un ouvrage organisé, alors que les hommes sont épuisés par la
fatigue et par la soif. Le commandant, qui a désigné deux sections pour cette
tâche sait bien qu’il me transmet un ordre inexécutable.
Source : JMO du 132ème R.I. - 17 juin 1916 |
Ce que nous
pouvons faire c’est nous installer à l’emplacement indiqué, qui nous semble
encore plus copieusement arrosé que celui où nous avons pourtant été si
malmenés pendant deux jours. Je déménage donc avec ce qui reste de la section.
Au moment où nous arrivons sur nos nouveaux emplacements nous sommes accueillis
par des rafales de gros obus qui, heureusement, ne touchent personne. L’autre
section se disperse et nous y restons seuls. Nous n’y aurons guère plus de
pertes que les premiers jours et l’ordre reçu avec si peu d’enthousiasme nous a
sans doute sauvé la vie à mes deux compagnons et à moi : à la place du
premier trou que nous avions habité et aménagé nous avons trouvé le lendemain
un beau cratère tout neuf.