samedi 28 juin 2014

Eté 1914 - Domino, camp de la Fédé

 
           C’est au camp de Domino que je consacrais le début de l’été. Ce séjour au bord de l’océan, dans cette île d’Oléron, alors complètement ignorée des vacanciers, avec la belle plage, dont nous étions les seuls occupants, ses dunes sauvages couvertes de pins et surtout les retrouvailles entre amis de la Fédé[1], tout semblait nous promettre des vacances magnifiques. La réalité fut décevante. Le succès du camp de l’année précédente avait attiré à Domino plus de cent étudiants ou lycéens. Ceux d’entre nous qui avaient accepté des responsabilités se sentaient un peu débordés. Malgré l’ascendant et la flamme de Charles Grauss[2] il était difficile de rallumer l’ardeur des camps d’autrefois. Une certaine discipline s’imposait. Je passais une partie de la journée, les mains dans l’eau grasse, à diriger des corvées de vaisselle. Mais ce sont surtout les nouvelles du dehors qui nous assombrissaient. Les quotidiens et même un petit poste à galène, installation exceptionnelle pour l’époque, nous les apportaient, chaque jour plus inquiétantes : attentat de Sarajevo, ultimatum de l’Autriche à la Serbie, mobilisations en chaîne.

Mémoires de Jean Médard, 1970 (2ème partie : Enfance et jeunesse)

[1] Fédération française des associations chrétiennes d’étudiants. Organisation dont Jean Médard était membre depuis 1911.
[2] Charles Grauss (1881-1918). Pasteur. Secrétaire général de la Fédé. Responsable du camp.

vendredi 27 juin 2014

Printemps 1914 - Paris, étudiant en théologie


Je lisais peu les journaux, ne connaissais rien à la politique qui ne m’intéressait pas et l’idée d’une guerre possible effleurait à peine ma pensée lorsque la situation internationale au cours des dernières années avait inquiété l’opinion publique. Je faisais un peu de préparation militaire non par zèle, mais pour avoir l’année suivante la possibilité de choisir ma garnison. J’aurais opté pour Montauban, où j’aurais pu bénéficier d’une chambre gratuite à la faculté et, à mes moments perdus faire un peu de théologie. Les événements devaient bousculer ces judicieux projets.

Mémoires de Jean Médard, 1970 (2ème partie : Enfance et jeunesse)