lundi 8 juin 2015

8 juin 1915 – Albert Léo à Jean

8 Juin 1915
Mon cher Coco, 

Je t’écris dehors sur un banc à l’ombre, à une table, par une chaude journée d’été. Tout à l’heure cependant tout était en émoi parce qu’il est tombé des marmites aux abords du village, chose qui ne s’est pas vue depuis des mois. A l’extrême front, on l’admet bien, mais là où il y a les civils c’est plus angoissant. Henri Monnier, il est très drôle. Il a un assortiment de croix métalliques dont il s’orne suivant les circonstances en qualité d’aumônier. Il court courageusement toute la montagne et il est assez bleu. Il se peut que je change prochainement de poste et passe aux Alpins, mais je ne sais pas encore. Ça va se décider sous peu je pense. A Arcachon, ils ont émigré ces jours-ci au Cap. Tout va très bien. Toi qui aimes la chaleur, cet été va vite te remettre.
Bien à toi

Léo

mardi 2 juin 2015

Chambéry, 2 juin 1915 – Jean à sa mère

Chambery, 2 Juin 1915
Maman cherie 

Voilà la 2e lettre que je t’écris de la journée. Celle-ci pour repondre à ta bonne lettre du 31. Si tu arrives à 10 heures du soir, ou de nuit, descend à l’hotel Terminus. Le lendemain matin tu viendras à l’hopital, Mme Depuiboube t’y retrouverais, te montrerais ta chambre et tu y porterais ou y ferais porter ta valise ds le courant de la journée. Si tu arrives de jour et si je sais à temps l’heure de ton arrivée Mme Depuiboube sera à la gare. Si elle n y était pas pour une raison quelconque tu laisserais tes bagages au depot et viendrais à l’hopital où ns ns debrouillerons. Ta chambre te reviendra si tu le veux bien à 1 fr. par jour puisque le jeune h à qui tu sous-loue paye les 3 pièces 36 frs par mois. Tu pourras t’arranger très économiquement.
Quelques mots sur la famille Depuiboube. Le mari est commandant à la guerre [Louis Depuiboube, mort pour la France le 6 octobre 1915]. Elle, est comme tu le vois très gentille, très devouée ; seulement un peu morose, desanchantée, pessimiste et surtout (il faut savoir cela pour eviter de gaffer) + ou – d’origine allemande. Mais je le repète cœur d’or, ne pensant qu’à rendre service. A la gare tu la reconnaitras facilement : figure un peu rouge, blonde, forte, 45 à 50 ans. Elle a une fille très intellectuelle faisant ses etudes de sciences.
Bien tendrement et à bientôt la joie de ce revoir.

Jean

Chambéry, 2 juin 1915 – Jean à sa mère

Chambery, 2 Juin 1915
Maman cherie

Tout est pret pour ton arrivée. Mme Depuiboube t’a trouvé une chambre tout près de l’hopital, et tu n’auras qu’à donner ce que tu voudras au type à qui tu la sous-loue.
Elle te prendra chez elle pour les repas. Si tu peux nous donner à l’avance l’heure et le jour de ton arrivée, elle viendra te prendre à la gare.
Ce qui est ennuyeux c’est que la même toux que celle de Verdun me reprend. Et le major après auscultation sérieuse et vu des crachats trouve des traces d’infection sans gravité mais qui m’enchaînent pour longtemps au lit et exigent de grands ménagements. Ce qui m’étonnait toujours à Verdun c’est que mon major de l’hop. y traitait cette toux de laryngite, alors que je sentais que les granulations venaient de profond, que leur gout etrange m’écœurait et leur couleur de pus m’étonnait. Tu vois qu’il y a encore bien des petites misères avant la guérison, mais l’idée de ton arrivée me fait oublier ces petites misères et vraiment je ne pense plus qu’à la joie du revoir.
A bientôt cette joie

Jean

lundi 1 juin 2015

1er juin 1915 – Albert Léo à Jean

1er juin 15

J’ai oublié de rien te dire sur Henri Monnier [professeur de Jean à la faculté de théologie de Paris]. Il est très drôle en bleu clair, et porte des croix partout, plus ou moins métalliques. Il a été un peu ahuri au début, mais s’est lancé très bravement dans la montagne et on le voit partout. Il parle avec componction aux blessés, qui n’en reviennent pas, et les encourage gentiment. Maurice Brès et moi l’ahurissons un peu, avec notre genre  brusque. Je m’entends bien avec Brès.
Jean [Jean Liechtenstein, un ami de la Fédé, scientifique, qui n’était pas mobilisé car il était tuberculeux] m’écrit de sa station biologique de Roscoff, Finistère, où il est un peu seul, mais que ça lui fait du bien, ce changement. Malan m’écrit qu’il est allé un jour voir les zouaves travailler en 1ère ligne. Tu sais que le petit Caschin [?] qui était à La Force il y a un an, est tué. Tu te rappelles La Force ! les bonnes journées !
Bien à toi

A Léo