dimanche 31 décembre 2017

Limogeage du colonel Maurel



       Je n’ai pas la possibilité d’expérimenter longtemps ce dérivatif[1]. Les généraux de division et de corps d’armée sont excédés de ses extravagances et, à la fin de l’année[2], il est limogé.
JMO de la 56ème D.I. – 14 décembre 1917
       Il manque vraiment de dignité dans sa disgrâce, il se livre devant nous à des manifestations violentes, il invective le général commandant le corps d’armée, le responsable de la décision[3] : « Mitry, ce porc ! Mitry, ce porc ! ». Nous sommes là autour de lui à table, n’osant pas nous regarder tellement nous avons envie de rire. Nous nous réjouissons de son départ et ne pouvons pourtant pas nous empêcher de le plaindre.
C’est le colonel Biesse[4], très sympathique, commandant le 1er Bureau du G. Q.G. qui lui succède. On respire un autre air à l’I.D. 56[5]. 

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre)

[1] Dans les mémoires de Jean, cette phrase suit immédiatement l’anecdote publiée le 26 novembre : le duc de Trévise lui conseillant d’étudier le colonel Maurel « comme on regarde un singe se gratter le derrière »
[2] Bizarrement, le JMO de la 56ème division d’infanterie mentionne à deux reprises le changement d’affectation du colonel Maurel : la première fois le 14 décembre 1917, et à nouveau le 14 janvier 1918. Autre curiosité, l'anecdote rapportée ici par Jean dans ses mémoires n'est jamais mentionnée dans la correspondance. Il faudra attendre le 14 janvier 1918 pour que Jean annonce la nouvelle officielle à sa mère, tout en précisant que des rumeurs couraient à ce sujet depuis déjà un certain temps.
[3] Antoine de Mitry (1857-1924) : général français commandant le 6ème corps d’armée d’avril 1917 à juillet 1918.
[4] Camille Biesse (1872-1922) : officier d’active. Nommé général à la fin de 1918.
[5] Dans son texte d’origine, Jean a écrit I.D. 58. Il s’agit forcément d’une erreur puisque le 132ème faisait partie de la 56ème division d’infanterie.

vendredi 29 décembre 2017

Wesserling, 29 décembre 1917 – Jean à sa mère

29/12/17
            Ma chère maman 

            Il fait un froid de – 21°. Je ne m’en apperçois même pas, car ici nous sommes organisés pour lutter, mais en ligne ça doit être dur. Rien de neuf.

Source : collections BDIC
            J’ai reçu une lettre aimable de Madame Nègre.
Tendrement à vous 

Jean 

mercredi 27 décembre 2017

Wesserling, 27 décembre 1917 – Jean à sa mère

27/12/17
            Maman chérie 

            J’ai reçu hier tes bonnes lettres des 20 et 21. Heureux si mon étoffe a fait plaisir à Suzanne. Dites-moi vite combien il vous en faut encore. Il pourrait ne plus y en avoir. Ne t’inquiète pas pour l’argent. J’en ai plus qu’il ne m’en faut.
            Hugo et Suzon sont trop gentils de me gater comme ça. S’ils ne veulent pas attendre ma permission pour me donner cette montre-bracelet qu’il l’envoie chez
Mr le pasteur Jean Monnier
Wesserling
Alsace
            Vraiment rien ne peut me faire plus plaisir. Ils ont été bien inspirés. J’ai reçu ce matin tes friandises. Inutile de te dire qu’elles sont été appréciées par moi et ceux qui m’entourent.
            Il neige abondamment. Malgré le froid assez vif je n’ai jamais aussi peu souffert de l’hiver. Il est vrai que dans ce pays on sait mieux se chauffer que dans le nôtre.
            Guy Leenhardt est en ligne depuis 2 ou 3 jours dans la region dont je t’ai parlé dans une de mes dernières lettres, ce pays du froid. J’aimerais bien pouvoir pousser jusque là-bas un de ces jours. Il fait ses débuts dans un secteur extremement calme. Il n’y en a pas beaucoup d’aussi calmes sur le front. Mais il y fait très froid et le service y est fatigant. Je crois que ce n’est pas le courage qui lui manque.
            Si le colonel [Maurel] part bientôt en permission j’aurais surement la possibilité d’aller le voir, et d’aller voir Hervé [Leenhardt] aussi, qui n’est pas loin.
Très tendrement  

Jean

mardi 26 décembre 2017

Wesserling, 26 décembre 1917 – Jean à sa mère

26/12/17
            Maman chérie 

            Hier je n’ai pas pu t’écrire.
            Le matin culte et service de Ste Cène à la Chapelle[1]. Un peu froid.
Source : Site des paroisses protestantes de Fellering et de Thann
            Après dejeuner je suis allé chez les Scheurer que je n’avais pas vu depuis mon demenagement et je leur ai fait une courte visite. Courte parceque je n’avais pas beaucoup de temps et qu’il fallait s’appuyer un certain nombre de kilomètres en velo.
            Mme [Marie Anne Dollfus épouse Scheurer] m’a donné une petite boite de chocolats de Royat. J’ai reçu le paquet du bon Marché. Merci pour mes poilus à qui je donnerai toutes ces belles choses – ceux d’ici ne sont que des demi poilus. Mme Nègre m’a envoyé de la confiture d’orange et quelques fruits confits. C’est gentil. Remercie-la à l’occasion.
Tendrement

Jean

[1] La chapelle du parc de l’usine de Wesserling était affectée au culte protestant.

dimanche 24 décembre 2017

Wesserling, 24 décembre 1917 – Jean à sa mère

24/12/17
            Maman chérie 

            Voilà deux jours que je te laisse sans lettres. J’ai eu le tord d’attendre presque l’heure du courrier pour t’adresser un mot ; et c’était trop tard.
            Avant-hier, à la dernière bouchée nous sommes partis en auto le colonel [Maurel] et moi pour une partie du secteur que je ne connaissais pas. Nous étions partis par un soleil radieux, mais nous sommes rentrés très vite dans la zone des nuages, de gros nuages, d’un bleu noir, très menaçants. Là dedans il faisait un froid de canard. En arrivant au col on avait même l’impression d’être dans un element different tellement les sensations et les spectacles sont differents des sensations et des spectacles de la vie des + basses sphères.
            Les barraques à moitié ensevelies sous la neige,
Source : collections BDIC
des hommes aux gestes lents qui n’ont plus de vivant que les yeux, tellement ils sont emmitouflés,
Source : collections BDIC
des arbres rabougris couverts de givre qui ressemblent à d’incroyables plantes marines,
Source : collections BDIC
des deux cotes de la route une muraille de neige,
Source : collections BDIC
des chiens de l’Alaska, des traineaux
Source : collections BDIC
              Tout ça extremement vaporeux, à travers le froid et surtout à travers une brume sale et epaisse.
            En descendant sur l’autre versant le paysage devenait au contraire extremement varié et beau. Sapins saupoudrés de neige, cascades aux trois quarts figées par le froid, lac mort, gelé et recouvert d’une epaisse couche de neige, gorges, etc.
            Cette promenade n’a été interrompue que par l’arrivée en première ligne. Tu dois te demander ce que deviennent les poilus, dans ce royaume du froid. Par là ils ne sont pas trop malheureux au repos. Ils ont des abris bien fermés et qu’ils peuvent chauffer, quand ils guettent ils peuvent faire les cent pas ; les raffinés se parent même d’une petite chaufferette. Et puis le secteur est tellement calme, il tombe si peu d’obus que malgré le froid et la fatigue cette vie est presque un delassement pour eux.
            Hier matin culte[1] un peu froid d’Henri Monnier.
Source : collection Stamm-Binder ©
Sur le site Wesserling, mémoires familiales Stamm, Binder, la photo est titrée "Devant la chapelle du parc".
La légende indique qu'elle date de juillet 1918 et que l'homme à l'extrême-droite est M. Monnier.
(Légende complète visible ici)
             Après dejeuner je suis allé à [mot illisi K [Kruth][2], en velo voir à l’hopital un protegé de Mme Scheurer [Marie Anne Dollfus, épouse Scheurer] qu’elle m’avait recommandé. Le garçon va bien et se tirera de ses oreillons avec une convalescence de 10 jours comme bénéfice.
            J’ai poussé jusqu’au 132 où j’ai serré la main à quelques camarades qui descendent au repos, j’ai même assisté au debut d’un arbre de Noël, et j’ai chanté « Mon beau sapin ». Que c’est bon cette odeur de sapin ! Elle va probablement flotter dans la maison cette odeur ce soir, et les gosses seront très contents.
Tendrement à vous 
Jean

[1] Rappel : le service religieux protestant était célébré dans la chapelle du parc de Wesserling.
[2] Bien que le mot soit noirci, on sait qu’il s’agit de Kruth, Jean mentionnant dans le paragraphe suivant qu’il en profite pour aller voir ses camarades du 132. Or c’est là qu’était cantonné le régiment d’attache de Jean.

samedi 23 décembre 2017

Décembre 1917 – Chiens de l'Alaska

Source : collections BDIC
        L’hiver il m’arrive même de traverser les cols enneigés sur des traîneaux, tirés par des chiens de l’Alaska[1] qui sentent le fauve.  

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre)

[1] En 1915, à la suite de très graves difficultés d’accès à certains postes isolés par la neige dans les Vosges (impossibilité de les ravitailler, d’évacuer les blessés), un officier français ayant vécu dans le Grand Nord a l’idée d’utiliser des chiens de traîneaux. Une expédition secrète est montée pour aller outre-Atlantique acheter 400 chiens et des traîneaux. Voir dans le site Bons baisers du Rhin supérieur deux pages passionnantes et très richement documentées : https://bons-baisers-du-rhin-superieur.com/2015/12/15/nom-de-code-poilus-d-alaska/ et https://bons-baisers-du-rhin-superieur.com/tag/poilus-dalaska/.

jeudi 21 décembre 2017

Wesserling, 21 décembre 1917 – Jean à sa mère

21/12/17
            Ma chère Maman 

            Je reçois à l’instant ta bonne lettre du 17. Vous avez bien fait de fêter sa fête à Suzon, elle le mérite bien. Je suis heureux pour lui et pour vous qu’Einar [Ekelund, frère d’Hugo] puisse venir à Cette pour Noël. Je sentirai tout particulièrement la separation ce jour là ; ma pensée et ma tendresse vous suivra.
            Pour moi la soirée de Lundi ressemblera probablement aux autres, je tacherai de m’échapper de bonne heure dans ma chambre où je me sentirai plus près de vous.
            C’est bon que Noël s’impose à nous. Ça nous force à adorer, surtout dans ce pays, qui, malgré la guerre, semble se receuillir. Aucune fête ne me rapproche de Dieu comme celle-là. L’invisible se mêle au visible, et nous fait entrevoir un avenir lointain lumineux, alors que la vision de l’avenir immédiat nous fait defaillir. Bon courage mes chéris.
            Hier après-midi j’ai pu rejoindre Henri Monnier et nous avons passé quelques heures ensemble. J’aurai l’occasion de les voir beaucoup, les 2 frères, ces jours-ci. En somme je ne les comprends bien ni l’un ni l’autre, mais l’on sent, chez Jean surtout, une vie intérieure si riche, qu’on ne les voit jamais sans profit.
Tendrement à vous tous mes chéris 

Jean

mercredi 20 décembre 2017

Wesserling, 20 décembre 1917 – Jean à sa mère

20/12/17
            Maman chérie 

            Je reçois ta bonne lettre du 16.
            Hier je suis allé jusqu’à K. [Kruth] où cantonne le bataillon du 132.
Source : collections BDIC
          J’ai vu Broner, un très chic garçon, très sérieux, un peu découragé. Le soir le colonel [Adrien] Perret, retour de permission dinait avec nous. Après diner seance recreative au foyer du soldat. Ce matin visite interessante à Jean Monnier. Au retour de cette visite il reçoit un mot d’Henri Monnier qui vient d’arriver ici et que je viens d’aller voir.
Très affectueusement à toi

Jean

mardi 19 décembre 2017

Wesserling, 19 décembre 1917 – Jean à sa mère

19/12/17
            Maman chérie 

            Un mot à la hate avant le depart du courrier. Rien de spécial. Toujours beau temps. Le colonel [Maurel] part en secteur pour l’après-midi, ça va nous faire une après-midi de paix. Je vais tacher d’aller voir Jean Monnier.
Tendrement à toi 

Jean

lundi 18 décembre 2017

Wesserling, 18 décembre 1917 – Jean à sa mère

18/12/17
            Ma chère Maman 

            Je viens de recevoir ta lettre du 14. Je ne te cacherai pas que ce que tu me racontes au sujet de ta conversation avec tante Olga [Winberg] m’embête un peu. Il était impossible que les Montpellerains ne potinent, mais le langage qu’ils te prêtent est vraiment facheux.
            Notre village est délicieux. Nos ancêtres étaient bien inspirés quand ils sont venus s’y installer.
Source : collections BDIC
            Je viens de visiter la salle des ventes de l’usine. Je vous envoie une petite pièce d’étoffe qui pourra toujours servir ds la chambre des enfants comme rideau ou pour recouvrir un fauteuil. C’est d’ailleurs tout ce qu’il y a de plus ordinaire et de meilleur marché.
            L’usine fabrique de la toile imprimée, depuis les articles les plus vulgaires jusqu’aux plus belles toiles de Jouy. On trouve à acheter des restes de coupons qui se vendent au poids, et qui ne sont generalement pas la plus belle marchandise. Pourtant si tu avais q. chose à faire recouvrir, dis le moi, donne-moi les dimensions, je trouverai peut-être de la toile avantageuse.
            Notre nouvelle vie nous donne un peu plus de loisir et un peu plus d’independance
            Hier j’ai eu une bonne après midi tranquille. Guy [Leenhardt] m’a fait en effet très bonne impression. Malheureusement, quoique dans la même division [56ème division d’infanterie] nous sommes séparés pour le moment par un col assez serieux et que nous n’avons pas l’occasion ni le temps ni la permission de franchir l’un ou l’autre.
Très affectueusement à toi 

Jean

dimanche 17 décembre 2017

Wesserling, 17 décembre 1917 – Jean à sa mère

17/12/17
            Ma chère maman 

            Nous sommes nouvellement et confortablement installés dans le berceau de la famille[1].
Source : collections BDIC
            Avant-hier nous avons quitté W. [Willer-sur-Thur]. Avant ce depart j’ai obtenu la permission d’aller diner chez les Scheurer. Bonne soirée tranquille. [Albert] Dartigue qui était là aussi s’est trouvé mal, mais ça n’a pas été grave. Je suis rentré en velo jusqu’ici et ce n’est pas sans peine que j’ai trouvé de nuit la maison que je ne connaissais pas.
            Hier matin je suis allé au temple entendre [Albert] Dartigue. Le temple en question est à 50 mètres d’ici[2]. L’après-midi je suis allé voir Pomier [Maurice Pomier-Layrargues, un cousin éloigné] que j’ai fini par trouver à la nuit tombante. Il était porte fanion du general qui a pris notre place et vient de retourner maintenant dans son escadron.
Carnet de Madeleine Stamm. (Extrait de la journée du 8 juillet 1917.)
Document communiqué par Olivier Le Roy, son petit-neveu.
Collection Stamm-Binder ©
Bien que ce passage sur la visite du lieutenant Leenhardt et du porte-fanion date du 8 juillet 1917, son rapprochement avec la lettre de Jean s’impose car tout indique que ce porte-fanion anonyme était Maurice Pomier-Layrargues : d’une part, ce dernier occupe précisément cette fonction ; d’autre part, les Stamm reçoivent en même temps un Leenhardt : or les deux jeunes gens étaient très proches cousins (plusieurs fois apparentés, un véritable sac de nœuds généalogique dont le détail n’a pas place ici !).
A noter : le lieutenant Leenhardt dont Madeleine Stamm évoque ici la visite est Hervé Leenhardt (1894-1968), qui était à la 56ème D.I. depuis février 1917, et non Guy Leenhardt (1898-1962), simple chasseur juste arrivé sur le front et qui avait intégré le 49ème B.C. au tout début décembre. (Hervé et Guy Leenhardt étaient cousins germains.)

            J’ai terminé la journée par une visite aux Stamm.
            Le patron [le colonel Maurel] est d’excellente humeur.
Très tendrement  

Jean


[1] Rappel : Wesserling n’était pas « le berceau » de la famille, mais seulement une étape où André-Chrétien Leenhardt (1744-1813), ancêtre de tous les Leenhardt français, avait passé quelques années, à la fin du 18ème, comme directeur de la fabrique de « toiles peintes », avant de faire souche à Montpellier.
[2] Le QG de la division était installé au « château » de Wesserling où avait en son temps résidé, en tant que directeur de la fabrique, André-Chrétien Leenhardt. Le temple était installé dans la chapelle du parc.

jeudi 14 décembre 2017

Willer-sur-Thur, 14 décembre 1917 – Jean à sa sœur

14/12/17
            Ma chère Suzon 

            Aujourd’hui c’est à toi que j’écris. C’est la moindre des choses puisque cette lettre t’arrivera probablement le jour de ta fête…. Ça ne m’arrive pas si souvent de me rappeler d’un anniversaire. Inutile de te parler de mes vœux pour toi, ton mari et tes chers petits. Vous êtes tous si melés à ma vie malgré la distance.
            Pendant que j’y pense remercie maman pour son chandaï ; j’ai oublié de le faire dans ma dernière carte. Il m’a pourtant fait grand plaisir. Il est parfait. Les chocolats ont été croqués avec enthousiasme par Le Gall et moi. (Le Gall est un de mes meilleurs camarades du 132e que j’ai eu la joie de revoir un de ces jours[1]).
            Rien de bien nouveau si ce n’est que nous changeons de home. L’Infanterie remonte de quelques kilomètres dans la vallée, et s’installe dans le berceau même de notre famille [donc à Wesserling][2].

JMO de la 56ème D.I. – 10 décembre 1917

            Ce changement presente un avantage ; il nous rapproche beaucoup du 132. L’inconvenient c’est la separation d’avec [Albert] Dartigue dont le voisinage était epatant. Mais il n’y a pas de regrets à avoir : [Albert] Dartigue quitte son foyer pour devenir directeur regional. Il va circuler sur le front tout entier de 2 armées.
            Au revoir, ma chère Suzon, encore bonne fête.
Très tendrement à toi et à vous tous 

Jean

[1] Sûrement le 2 décembre, lors de sa visite à « un village voisin ».
[2] Berceau est d’ailleurs inapproprié : André-Chrétien Leenhardt (1744-1813) et sa famille y ont passé quelques années, mais ils n’en étaient pas originaires, et n’y ont pas fait souche, puisqu’ils se sont ensuite installés à Montpellier.

mercredi 13 décembre 2017

Willer-sur-Thur, 13 décembre 1917 – Jean à sa mère

13/12/17
            Maman chérie 

            Rien de nouveau. Je n’ai pas le temps de t’écrire longuement. Je t’envoie toute ma tendresse. 

Jean

dimanche 10 décembre 2017

Willer-sur-Thur, 10 décembre 1917 – Jean à sa mère

10/12/17
            Ma chère Maman 

            Je ne t’ai pas écrit depuis ma visite à Guy Leenhardt. Avant-hier après-midi je suis allé le retrouver dans un village voisin qu’il devait quitter le lendemain. C’était une occasion à saisir par les cheveux.
            Il était en train de monter la garde bravement devant le poste de police. Il m’a fait très bonne impression. Il peut se classer dans la subdivision Leenhardt-Westphal : une belle santé physique et morale, une manière agreable de se presenter et de parler. J’espère ne pas rester trop longtemps sans le revoir. Dans le même village j’ai trouvé Jean Monnier qu’il a connu ds la Drôme. J’ai fait une partie de la route du retour avec lui, tandis qu’une longue file de camions nous depassait et nous éclaboussait.
Source : collections BDIC
            Hier je suis allé à Th. [Thann] au temple. [Albert] Dartigue a été tout à fait epatant, un veritable sermon de Féderation. Sur texte : « Quand le Christ reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? ». On retrouve toujours à ces cultes du dimanche les mêmes têtes sympathiques, Mme Scheurer [Marie Anne Dollfus, épouse Scheurer], Mme Lauth [Berthe Scheurer, épouse Lauth], le Cdt [Etienne] de Seynes, etc.
            Nous traversons une periode de temps froid mais splendide, les heures du milieu de la journée sont presque chaudes à force d’être ensoleillées.
            Ma vie à moi est toujours aussi peu interessante. Mais je suis decidé à ne me laisser m’attrister ni troubler par cette fausse position. C’est bien difficile d’être à la fois prudent comme le serpent et simple comme la colombe[1].
            Je t’embrasse, maman chérie, toi et les chers petits et les chers grands qui t’entourent. 

Jean

[1] Mathieu 10.16 : « Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes. ». On n’est pas étudiant en théologie en vain.

vendredi 8 décembre 2017

Willer-sur-Thur, 8 décembre 1917 – Jean à sa mère

8/12/17
            Maman chérie 

            Décidement la 56me Division devient le rendez-vous de la famille :
            Après Hervé Leenhardt et moi, c’est [René] de Richemont qui est affecté comme aspirant au 132me (il est d’ailleurs encore à l’interieur) après Richemont c’est Guy Leenhardt qui est affecté depuis quelques jours au 49me Bataillon de chasseurs, qui fait partie de la division[1].
            Hier j’entends un planton dire : « On demande le lieut. Médard pour le Lieut. Leenhardt. Je pensais me trouver nez à nez avec Hervé. Pas du tout, c’était Georges Leenhardt, le fils de Max[2], qui, lui, ne fait pas partie de la division, mais du secteur. J’ai pu m’échapper un moment et aller dejeuner avec lui à Th. [Thann]. J’ai été très heureux de le voir.
            J’espère pouvoir voir Guy bientôt ; quant à Hervé pour le moment il suit un cours d’artillerie quelque part derrière nous.
            Je viens de recevoir ta lettre du 4. Merci.
Très tendrement à toi 

Jean
Prêche au désert, tableau de Max Leenhardt.
        Dans ses mémoires, Jean écrit à propos de ce tableau "C'est une galerie de portraits de famille, où mon grand-père
[le pasteur Lucien Benoît, donc] figure en bonne place". Lucien Benoît étant sur toutes les photos de famille repérable
à sa belle chevelure et à sa barbe blanche, il s'agit sans doute de l'homme en veste jaune au premier plan.


[1] Que commandait le colonel Garcin.
[2] Maximilien Leenhardt (1853-1941), dit Max Leenhardt, peintre connu dans le milieu protestant pour ses grands tableaux représentant des scènes emblématiques de l’histoire protestante (Prêche au désert, Les Prisonnières de la tour de Constance, etc.)