mardi 31 juillet 2018

Luchy (Oise), 31 juillet 1918 – Jean à sa mère

31-7-18

Ma chère Maman

Nous voici reposés et installés dans une région bien différente de celle que nous quittons, non loin du village où j’eus la joie il y a deux ans de rencontrer [Albert] Léo1. Nous y entendons le canon d’un secteur où nous nous sommes battus il y a beaucoup moins longtemps. Je crois que nous sommes là pour quelque temps.

Le voyage s’est passé sans incident. Il a été beaucoup plus rapide que le dernier. Ce qui lui donne sa physionomie c’est le passage par Paris – on rase les fortifs. Dès qu’on arrive ds la grande banlieue ce n’est que des acclamations qui ne cessent seulement quand on en sort. On crie, on s’envoie des baisers, c’est une veritable enthousiasme melé d’un peu de cafard chez ceux qui calculent qu’ils sont à quelques centaines de mètres de chez eux. Nous avons croisé beaucoup d’americains, propres et contents.

Nous ne savons pas ce qui nous attend, secteur, offensive ou defensive. On se pose peu la question, étant habitué à vivre au jour le jour.

Tendrement à toi
Jean
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1 Voir lettre du 9 septembre 1916. Jean était alors cantonné à Gaudechart, à 17 km de Luchy.

lundi 30 juillet 2018

Fin juillet 1918 – Retour vers la Somme

Le 30 Juillet nous quittons la Lorraine pour la Somme. Nous croisons les troupes américaines qui sont maintenant nombreuses.

Source : collections BDIC
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre )

Luchy (Oise), 30 juillet 1918 – Jean à sa mère

30-7-18

Ma chère Maman

Nous sommes en route vers de nouveaux horizons, mais les evenements nous laissent penser que nous ne serons pas engagés aussi brutalement que la dernière fois. Voyage facile et joyeux.

Moral excellent.

Je suis avec vous de toute ma pensée et de toute ma tendresse.

Jean

dimanche 29 juillet 2018

JMO du 132ème RI – 29 juillet 1918

Source : JMO du 132ème RI - 29, 30 et 31 juillet 1918

samedi 28 juillet 2018

Haussonville, 28 juillet 1918 – Jean à sa mère

28/7/18

Ma chère Maman

Nous continuons à nous remuer et à faire des circuits dans la même région. Hier nous avons fait une longue étape sous la pluie. La distraction de la soirée a été le cinéma. L’ennui de ses deplacements continuels c’est qu’on ne peut pas s’installer, lire ou écrire. On sait à peine où est sa chambre.

J’ai reçu une bonne lettre de Le Gall. Il a l’air de regretter le regiment et de n’être pas enthousiasmé de son nouveau genre de vie. Combien fatigués par 4 ans de guerre ont voulu en changer et se sont trouvés depaysés devant de nouvelles habitudes et de nouveaux visages.

Vous à la Salvetat c’est un peu la même chose. Dans 8 jours ça ira mieux.

Tendrement à vous
Jean

Source : JMO du 132ème RI

vendredi 27 juillet 2018

JMO du 132ème RI – 27 juillet 1918

Source : JMO du 132ème RI - 27 juillet 1918

jeudi 26 juillet 2018

Houdemont, 26 juillet 1918 – Jean à sa mère

26-7-18

Maman chérie

Je t’ai abandonné ces deux derniers jours. Avant-hier je suis allé à N. [Nancy] voir Pierre Durand avec qui j’ai pris une tasse de thé. Son père [le pasteur Etienne Durand] était là et m’a parlé de papa. Sa femme [Anna Célina Eugénie Vincent] et sa fille sont à Viane chez leur frère [Samuel] Vincent. Durand est toujours le même souriant et affectueux, avec un regard à moitié éteint. Je pensais aussi aller voir les Bertrand, mais il parait qu’ils ne sont pas là.

J’ai vu l’ancien presbytère qui a été mis en portefeuille par une enorme torpille qui a atteri dans la cour.

Temple protestant bombardé
Source : collections BDIC

N. [Nancy] est à moitié vidée, mais un seul quartier est très abimé et les grandes artères presentent encore de la vie. Nous nous en sommes rapprochés hier, changeant de cantonnement. Dès que nous avons été installés ici nous avons pris nos velos ([Pierre] Péchenart, Deconinck, [Charles] Galais, le chef de musique [Victor Garnier] et moi) et 20 minutes après nous étions de nouveau à la ville. Nous sommes rentrés dans une piscine où nous avons fait des plongeons variés et divertissants.

Mes compagnons viennent d’apprendre à nager, et l’eau a pour eux un attrait tout particulier. Tu seras aussi très interessée de savoir que j’ai acheté des caleçons et des chaussettes.

Je suis heureux de vous savoir à la Salvetat, sur que les petits s’y feront beaucoup de bien.

Le colonel continue à être insupportable. C’est à vous dégouter à tout jamais de faire partie d’un Etat Major, même de régiment. Autrement je suis très heureux. Je viens de donner un ballon de foot ball à mes télephonistes qui s’en donnent à cœur joie.

Je viens de recevoir une carte du camp de Malons1 constellée de signatures…

[Daniel] Loux aussi m’a écrit une bonne lettre. Je lui ai raconté la visite de Suzon à Montpellier et il me repond. Il voit les choses comme nous, ou plutôt comme vous, car il est plus raisonnable que moi.

Bien affectueusement
Jean
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1 Regroupement estival des jeunes de la Fédé. Jean ne le précise pas, mais Alice Herrmann est peut-être parmi les signataires. Elle a en tout cas participé à des camps de la Fédé à Malons.

mercredi 25 juillet 2018

JMO du 132ème RI – 25 juillet 1918

Source : JMO du 132ème RI - 25 juillet 1918

mardi 24 juillet 2018

JMO du 132ème RI – 24 juillet 1918

Source : JMO du 132ème RI - 24 juillet 1918

lundi 23 juillet 2018

Ludres, 23 juillet 1918 – Jean à sa mère

23-7-18

Ma chère Maman

Nous avons décidement quitté ce secteur où nous avons passé quelques mois qui ne seront certes pas dans les plus durs de la guerre.

Avant-hier soir en guise d’adieu nous avons fait une bruyante retraite dans les rues d’E. [Einville]. C’était du délire. Tout le regiment suivait, et la moitié du village, les officiers en tête.

Je me trouvais tout à fait voisin de Lucien [Lucien Benoît, cousin germain de Jean]. Il avait demandé au colonel il y a quelques jours la permission de me garder 24 heures. C’est ce qui s’est fait. J’ai passé une très bonne journée avec lui. Tu ne peux croire ce qu’il a été gentil avec moi pendant ces sejours dans son armée. Je ne puis plus le croire indifferent. Il m’a donné cette photo de son fils [Pierre Benoît (1916-2001)] et d’Elna, prise sur la plage du diable. Ils font tous les deux la grimace mais j’ai été amusé de trouvé là-dessus Elna si grande fille.

Nous avons visité des services très interessants de l’Armée, nous nous sommes promenés au bord de la rivière. Le milieu dans lequel il vit est sympathique. C’est n’est deja plus ce que nous appelons la mentalité « Etat Major », son bureau s’occupe de materiel et de transport, et c’est le bureau du premier commerçant venu. Ce matin j’ai rejoint le regiment, j’ai trouvé le temps gris et le colonel d’une humeur massacrante.

Maintenant nous faisons les preparatifs du grand depart.

Je n’ai jamais vu arriver une periode agitée avec aussi peu d’aprehension. Le regiment est tout à fait en forme et les evenements sont faits pour nous donner bon courage. [Pierre] Péchenart ne se tient plus de joie depuis qu’il n’est plus des pays envahis et il espere bien retrouver son père parmis les 200 civils de Château-Thierry.

Bonne lettre de [Daniel] Loux.

Il me tarde de savoir q. chose de votre sejour dans la montagne.

Tendrement à toi
Jean

dimanche 22 juillet 2018

JMO du 132ème RI - 22 juillet 1918

Source : JMO du 132ème RI - 22 juillet 1918

vendredi 20 juillet 2018

Einville, 20 juillet 1918 – Jean à sa mère

20-7-18

Ma chère Maman

Rien de bien saillant dans notre petite vie, si ce n’est l’approche du départ. Chaleur accablante puis violent orage. Ce matin Lucien [Benoît], Hervé [Leenhardt] et Gilbert [Leenhardt] sont venus dejeuner avec nous. ça a été très gai. Ce soir il y a musique, retraite et rejouissances, pour fêter la brillante offensive des Boches mais le Docteur a voulu que j’aille me coucher avant, et docilement j’obeis.

Tendresses
Jean

jeudi 19 juillet 2018

Einville, 19 juillet 1918 – Jean à sa mère

19-7-18

Ma chère Maman

J’ai mal repondu à tes dernières lettres. Aujourd’hui que j’ai repris ma vie normale ce sera plus facile. Vous voilà à la montagne ; je suis bien heureux que la decision et la realisation aient été si prompte. Il me tarde de connaître vos impressions. Si j’en juge par les chaleurs que nous subissons ici, il ne doit pas faire bon dans le midi.

Je crois que nous ne tarderons pas à aller faire un tour dans des regions moins paisible. Cette perspective n’assombrit personne. D’ailleurs les dernières nouvelles ne sont faites que pour donner beaucoup d’espoir et de courage.

Mon service est interessant. J’ai de très bons gradés et de bonnes équipes, moins sympa. que les combattants pourtant parcequ’ils souffrent moins.

L’adjudant telephoniste Martin St-Léon est un auxiliaire precieux et très au courant quoique nouveau. Très bonne famille. Il vient d’avoir un bébé et n’a pu partir en permission, celles-ci venant d’être supprimées.

J’ai aussi un petit sergent signaleur Heraud, très serieux et protestant.

Tu rirais de voir mon armée (+ de 100 hommes).

Source : collections BDIC


Les uns ont pour mission de derouler du fil et de poser des lignes, de le reparer aussi ; de tenir les appareils et les centraux qui sont au bout (Ici ns avons jusqu’à 30 directions au même central) ; ce sont les télephonistes.

Source : collections BDIC





D’autres ont des phares electriques de dimension et de puissance variée et ils font de l’optique d’une crête à l’autre, ce sont les signaleurs.



Source : collections BDIC







D’autres posent des antennes ou des prises de terre, reçoivent ou emettent des messages de T.S.F. et de T.P.S., ce sont les radio.





Source : collections BDIC






D’autres élèvent et nourrissent des pigeons voyageurs avec une sollicitude maternelle : ce sont les colombophiles.



Source : collections BDIC







D’autres élèvent des chiens de liaison ce sont les hommes chiens.





Source : collections BDIC






D’autres enfin n’ont d’autres specialité que de porter les plis en vitesse, ce sont les coureurs, les cyclistes, les éclaireurs montés.






Ouf !

Tendrement.
Jean

mercredi 18 juillet 2018

Lucien Benoît

Le 18 Juillet nous apprenons le succès de la contre-offensive française qu’on appellera la deuxième bataille de la Marne. Bonne occasion pour mettre en mouvement la musique de la clique.

Lucien Benoît (1884-1964)
Cousin germain de Jean

Lucien Benoît qui est officier à la 6ème armée et qui vient me voir de temps en temps approuve cette réaction spectaculaire de notre Colonel. Il pense que nous entrons dans une nouvelle phase de la guerre, que les Allemands sont vaincus.

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre )

Einville, 18 juillet 1918 – Jean à sa mère

18-7-18

Ma chère Maman

Je vais beaucoup mieux aujourd’hui. Je me suis levé, mais je n’ai pas eu la permission de quitter la chambre. Je crois que les moyens energiques, 48 heures de diette et une bonne purge seront arrivé très vite à tuer cette grippe.

Ce soir [Pierre] Péchenart m’apporte une très bonne nouvelle qui vient du général de Division : une très brillante contre offensive, qui nous aurait déjà valu de très serieux succès. Je suis bien heureux.

Tendresses
Jean

mardi 17 juillet 2018

Einville, 17 juillet 1918 – Jean à sa mère

17-7-18

Ma chère Maman

J’ai reçu hier ta bonne lettre me faisant part de votre depart pour la montagne. Je suis bien heureux que vous ayez trouvé ça.

Je t’écris un peu hativement étant au fond de mon lit. Ne t’affole pas. Je paye mon tribut à la « dingue » ou grippe espagnole si tu aimes mieux. Bien rares sont ceux qui n’ont pas été frappés. Ce n’est pas grave d’ailleurs. Quelques heures de fièvre et d’abruttissement. Je suis bien soigné.

Source : JMO de la 56ème DI - 21 juillet 1918
Epidémie de grippe espagnole
Tendrement
Jean

dimanche 15 juillet 2018

Einville, 15 juillet 1918 – Jean à sa mère

15-7-18

Ma chère Maman

Je t’ai abandonnée un peu tous ces jours-ci. J’ai eu passablement de travail. Hier pourtant la journée a été plutôt absorbée par les « divertissements ». Il y avait beaucoup d’entrain ; ce sont les ebats dans le canal et les divers jeux nautiques qui ont fait surtout la joie des poilus. Il fait une chaleur lourde aussi. Je n’ai pas raté un seul jour la baignade.

Source : collections BDIC

Mes camarades sont toujours très agréables, et mes chefs très gentils. Mon service m’interesse et me laisse très indépendant. J’ai revu [Frank] Suan hier ; son bataillon cantonnait dans le même village que nous.

La fédération a été très éprouvée ces temps-ci. Mlle [Léo] Viguier est en Amérique.

Tendrement
Jean

mardi 10 juillet 2018

Einville, 10 juillet 1918 – Jean à sa sœur Suzanne Ekelund

10/7/18

Ma chérie

Je viens de recevoir ta lettre du 6. Merci de ce que tu viens de faire pour moi. Ça represente un gros effort, du tact, et du courage, et des émotions. Je t’assure que je m’en rend bien compte, que je t’en suis très reconnaissant ; et je te demande pardon de mon impatience de ces derniers jours.

Ainsi tu étais bonne psychologue et les choses se sont bien passées comme tu le pensais. C’est un grand soulagement de voir cette demande faite, et un grand pas d’être éclairés sur les sentiments des parents.

Jacques Herrmann (1868-1926)
Futur beau-père de Jean
Marguerite Germain
ép. Herrmann (1872-1951)
Future belle-mère de Jean

Si j’ai bien compris ils seront complètement et sincèrement neutres, laisseront leur fille absolument libre et se borneront à lui exposer leur manière de voir. Ils ne formulent en somme qu’une objection serieuse, la situation materielle.

Ils croient que je suis plus amoureux des qualités et des gouts de leur fille que d’elle-même, mais je pense qu’ils ne refuseraient pas de croire le contraire.

En somme tout ça est très clair et pas décourageant.

Je t’avouerai pourtant que je suis un peu deçu. Mon imagination avait beaucoup marché depuis ma dernière permission, et, sans beaucoup reflechir, je me figurais que ça avancerait plus les choses. Tout ce que je revais était d’ailleurs parfaitement pueril. Attendre que la guerre soit finie, c’est mon avis et mon désir, mais si Mme H trouvait étrange que je fasse cette demarche avant d’avoir passé mes examens et d’avoir une situation, ce serait le point de vue mondain d’avant la guerre. Il me semble qu’on a le droit de se fiancer, sinon de se marier avant d’avoir arrangé sa vie comme un papier à musique. On peut bien avoir un peu foi dans la vie. Enfin pour ça il ne faut pas s’en faire ; laissons toujours finir la guerre.

Maintenant à ton avis quelle pourra et quelle devra être mon attitude vis-à-vis d’ A. [Alice]. Trouvera-t-on naturel que je la voie plus souvent, malgrés les potins de Montpellier ? M’a-t-on trouvé trop réservé ? etc, etc.

J’aurais encore mille questions à te poser, mais je n’ai pas le temps aujourd’hui. Nous reparlerons de tout ça.

Dis à Maman que mon service m’interesse et me prends.

Encore infiniment Merci.

Tendresses
Jean

dimanche 8 juillet 2018

Einville, 8 juillet 1918 – Jean à sa mère

8/7/18

Ma chère Maman

Je t’avais écris avant-hier une lettre que j’ai perdu. Je l’avais arrêtée pour te donner une nouvelle que tu attendais depuis longtemps : le depart de Le Gall. Il est à côté de moi en train d’annoncer à sa mère son depart pour l’aviation, tandis que j’annonce à la mienne mon changement d’affectation.

J’aime certainement beaucoup plus le travail de Cie, mais je sais que tu n’entends pas de cette oreille et d’autre part tant que j’aurais été dans une Cie j’aurais été constamment detaché à l’I.D., ce qui ne me convient pas du tout.

Le demarage a été assez dur. Le colonel Hamelin ne faisait aucune difficulté, mais certain officier d’E.M. aurait trouvé tout naturel que je reste là, pour ne pas troubler son tour de service. L’acceuil au 132 a été tout à fait chaleureux.

Le Gall part demain, mais j’ai pris le service aujourd’hui même.

La joie de quitter l’I.D. est contrebalancée par la peine de lacher definitivement le 2me Baton ; mais je suis heureux d’avoir enfin un poste fixe.

Il me tarde de savoir que vous avez choisi une villégiature pour cet été. Il me tarde aussi beaucoup… mais c’est une autre histoire1.

Hier j’ai pris un bon bain dans la rivière ; j’ai d’ailleurs la ferme intention de récidiver.

Tendresses
Jean

Excellente lettre de S. [Suzanne] de Dietrich.

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1 Jean attend toujours avec impatience que sa sœur ait pu rendre visite aux Herrmann pour les informer de son intention de demander Alice en mariage dès que la guerre sera terminée. Il craint qu’un autre prétendant ne prenne les devants.

vendredi 6 juillet 2018

Maixe, 6 juillet 1918 – Jean à sa mère

Source : collections BDIC
6/7/18

Ma chère Maman

Je suis encore à l’I.D. contrairement à ce que tu penses. Le capitaine [René Recopé] de Tilly n’est toujours pas remplacé et ne semble pas sur le point de l’être. Je ne m’en félicite pas car il n’y a rien de fastidieux comme ces longues heures passées dans un bureau sans ne rien faire. Et puis dès que je suis loin du 132, j’ai le cafard. Ne t’en fais pas pour le secteur, j’y ai déjà fait sans dommage un bon sejour. Il est moins bon que le coin où j’ai passé ma dernière periode de tranchée, coin exeptionnellement calme. Mais c’est un excellent secteur. C’est toujours la même région.

Si vous êtes embarassés pour cet été ecris à [Daniel] Loux, pasteur, Tense (Hte Loire), s’il n’y a rien à faire dans son coin. Même un long voyage vaut mieux pour les gosses qu’un trop long sejour à Cette. A la rigueur vous pouriez vous arreter à Montelimar mais j’ai peur que ce soit trop tard.

Je viens de téléphoner avec Lucien [Benoît]. J’espère pouvoir le revoir un de ces jours.

Tendrement
Jean

jeudi 5 juillet 2018

Maixe, 5 juillet 1918 – Jean à sa mère

5/7/18

Ma chère Maman

Hier je ne t’ai pas écrit car ma journée a été assez remplie. D’abord j’ai fait une ronde de 2 h à 8 h ; et, puisque j’étais en ligne, au lieu de rentrer directement j’ai fait un crochet par la Cie. J’ai commencé par y reparer mon sommeil, puis j’ai dejeuné avec [Marcel] Simonin et Cogniard.

Source : collections BDIC

Je suis placidement rentré à pied. Sur mon passage, au premier village j’ai rencontré ma section, qui y est en reserve, dans le deuxième [village] le bataillon au repos du 132 fraternisait avec les Américains pour l’Independance Day. Le soir j’ai même assisté au « banquet Franco-Américain » poilus français et Americains à la même table. Un Marseillais pour correspondre avec un americain se servait du seul système en usage depuis la tour de Babel : montrer un objet et en dire le nom ; si la leçon lui profite l’Americain retournera chez lui avec un terrible accent meridional.

Tendrement.
Jean

Tu vas recevoir un paquet que je renvoie à la maison pour alléger ma cantine.

mardi 3 juillet 2018

Maixe, 3 juillet 1918 – Jean à sa mère

3-7-18

Ma chère Maman

J’ai oublié, je crois, de te raconter la visite rapide de Lucien [Benoît], il y a 4 jours. Il n’avait pas le temps de s’arrêter, il aurait voulu m’emmener passer quelques heures chez lui, mais j’étais justement de service.

Avant-hier j’ai vu Gilbert [Leenhardt] un peu plus longuement.

Son frère [Alain] va mieux. Les nouvelles de Guy sont bonnes et laconiques. Inutile de te dire que j’ai dévoré ta dernière lettre. J’ai grande confiance et grande patience mais je décachette toutes tes lettres avec une emotion particulière tous ces temps-ci.

Hier je suis allé voir [Marcel] Simonin et mes poilus.

Ci-joint une photo, remise de la croix de guerre au regiment1. Soigne-là.

Tendrement à toi
Jean
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1 Cf. lettre du 6 juin 1918.

lundi 2 juillet 2018

Été 1918 – Et le mariage ?

Alice Herrmann (1897-1990) en 1916
Future épouse de Jean

Et le mariage ? Je pense depuis longtemps à Alice Herrmann. On nous taquinait autrefois sur notre amitié d’enfants. Ces dernières années nous nous sommes à peine entrevus. Mais elle réunit à mes yeux toutes les qualités d’intelligence, de charme, d’énergie et de bonté. J’aime sa nature à la fois ardente et paisible.

J’ai gardé une grande réserve car je sais que je ne la vaux pas et puis il y a aussi cette différence de situation entre sa famille et la mienne qui, dans la bourgeoisie dresse parfois entre les jeunes gens des barrières infranchissables. Pourtant s’il m’arrivait d’arrêter ma pensée sur une autre j’avais l’impression d’une sorte d’infidélité vis-à-vis d’Alice.

Maintenant, je sais qu’elle est devenue membre active et ardente de la « Fédé », qu’elle a de fermes convictions chrétiennes, nous appartenons à ce petit groupe, qui est dans l’église une famille à part. La perspective change. Elle s’associerait à ma tâche de pasteur et comprendrait le ministère comme moi. J’ai la conviction que rien ne peut plus nous séparer. Mais je ne veux rien montrer de mes sentiments tant que la guerre n’est pas finie.

Ma sœur, qui est ma confidente, m’a fait remarquer qu’Alice pourrait être demandée par un autre que moi. Elle m’a proposé de voir Madame Herrmann et de lui faire part à la fois de mes sentiments et de mes scrupules. Si un autre se déclare Alice sera ainsi prévenue et saura qu’il n’est pas le seul sur les rangs. C’est entendu. J’apprends avec beaucoup de soulagement que Monsieur et Madame Herrmann ont accueilli cette démarche sans aucun déplaisir et avec un parfait désintéressement.

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre )

dimanche 1 juillet 2018

Maixe, 1er juillet 1918 – Jean à sa mère

1-7-18

Ma chère Maman

Je t’ai envoyé hier soir une photo1 – sans explications pour que tu l’aie plus vite. Elle t’amusera puisqu’elle a été prise au moment où le general de corps d’armée me remettait une étoile. Je joins à ma lettre un petit croquis explicatif.

Hier soir je suis allé passer un petit moment au 132e, au moment de la musique après diner je suis allé faire un tour dans la campagne, au coucher du soleil avec Paulhac. C’est un artilleur très gentil que j’avais connu en Alsace et que j’ai retrouvé ici avec plaisir.

J’attends tes lettres avec impatience maintenant que la démarche de Suzanne est peut-être faite2.

Bien affectueusement
Jean

Je reçois à l’instant ta lettre du 27. Merci infiniment à Suzon. Qu’elle explique cette demarche d’une part par mon desir d’avoir une assurance, d’autre part à cause des bruits qui circulent à Montpellier.

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1 Voir billet du 16 juin 2018. Le "croquis explicatif" n'a malheureusement pas été conservé.
2 Voir billet de demain 2 juillet "Et le mariage ?"