9-6-18
Ma chère Maman
Il fait très chaud aujourd’hui ; aussi nous restons dans nos trous.
Hier soir je suis allé diner chez Pochard1, un bon copain – classe 15, qui commande depuis près de deux ans une Cie voisine. Cette nuit il a fallu ouvrir l’oeuil ; nous avons entendu les boches se promener dans nos reseaux. Ça fait plaisir de voir les types aux aguets. Ils savent qu’ils jouent leur vie ; de vrais soldats.
Le temps que je ne passe pas en ronde je le passe ds l’abris à veille tandis que les pigeons voyageurs font du chahut dans leur pannier et que la T.P.S envoie ses coins-coins.
Ce matin nous avions une nombreuse société à dejeuner, les voisins et les successeurs, car la période de réserve ne va pas tarder à arriver. Nous avons beaucoup ri d’un article que notre père la Bataille [le capitaine Dufour] a envoyé ds les journaux de son pays et où ses exploits sont racontés avec une certaine complaisance. Le capitaine américain est parti. Il a bien voulu confier à l’un de nous qu’il était touché « par notre flegme », par nos rapports de camaraderie, par notre manière d’être envers nos poilus.
Je viens de rendre visite aux miens. Leur grande distraction actuellement est l’élevage de petites buses qu’ils ont découvert dans des ruines, c’est un objet de grandes joies.
J’ai reçu le mot que tu m’écris à ton départ de Marseille. Tu dois être bien heureuse d’avoir retrouvé tout ton monde.
Bien tendrement
Jean
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1 Jean Pochard, sorti du rang, devient officier et intègre le 132
ème RI. Il est le « lieutenant Pochard », chef de section à la 2
ème compagnie du 1
er bataillon, que René Gustave Nobécourt cite dans son ouvrage
Les fantassins du chemin des Dames. Voir
billet du 16 avril 1917. Promu capitaine en août 1918, il restera dans l'armée après la guerre, commandera de 1938 à 1940 le 13
ème bataillon de chasseurs alpins et terminera sa carrière militaire en 1946 comme colonel. (Merci à Pierre Pochard, son fils, pour ses précisions sur la carrière militaire de son père après 1918.)