mercredi 22 juin 2016

Sète, 22 juin 1916 – Mathilde à son fils

La maison ce 22 Juin 1916
            Mon Jean chéri 

            Sais-tu d’où je t’adresse ces lignes ? de la maison ; de la maison, où  je suis seule, et puis penser à toi sans que rien ne détourne ma pensée. J’y suis venue y ayant rendez-vous avec la femme d’un officier qui désire visiter les lieux, pr louer ; elle ne vient pas et je souhaite presque qu’elle ne vienne pas me distraire dans mes souvenirs. Je revois le passé, le cher passé, déjà lointain où tu revenais à quatre heures du collège, moi si heureuse de te trouver à la maison. Que c’était bon ! Combien j’aurais du mieux jouir de ces heures bénies – et maintenant je ne puis même me figurer ou tu vis, où tu souffres. Je suis bien anxieuse sais-tu de ne pas avoir de nouvelles.  Ces dernières sont du 14 – je ne vis pas. Mon grand chéri oh dis moi que tu vas bien.
            Suzie t’envoie un petit gâteau aujourd’hui ; pas fait dans la maison (mais je l’espère bon tout de même ; demain je t’enverrai à mon tour. As-tu reçu ton costume ? et tes souliers ?
            J’ai fait un pénible voyage hier. Suzie et Hugo ne m’ont pas trouvée à la gare à minuit, je suis rentrée à 7 h du matin après avoir passé 6 heures en gare de Nîmes. Par erreur j’ai pris un omnibus qui s’arrêtait à Nîmes et n’allait pas plus loin. Aussi, cela, mes pensées attristées, douloureuses je suis à mon tour très vaseuse, abruttie de fatigue et de sommeil mais cela aidera au repos.
            Tante Fanny a été si bonne, si affectueuse. Elle m’a beaucoup entourée, m’a bcoup témoigné. Elle m’a donné une robe pr mon deuil. Tu ne sais rien encore de cela et c’est mieux. Ce départ d’oncle Marc. Il laisse une paix bienfaisante qui calme un peu mes remords bien cuisants.
            Ma plume écrit mal – excuse ; j’ai reçu de toi du 9 et du 10, rien le 11, hier du 13 un jour après la carte du 14 qui me laisse celle-ci toute secouée. Mais courage et confiance. Dieu est là.
            Je t’envoi d’infinis baisers.
Ta mère