La
maison ce 22 Juin 1916
Mon Jean chéri
Sais-tu d’où je t’adresse ces
lignes ? de la maison ; de la maison, où je suis seule, et puis penser à toi sans que
rien ne détourne ma pensée. J’y suis venue y ayant rendez-vous avec la femme
d’un officier qui désire visiter les lieux, pr louer ; elle ne vient pas
et je souhaite presque qu’elle ne vienne pas me distraire dans mes souvenirs.
Je revois le passé, le cher passé, déjà lointain où tu revenais à quatre heures
du collège, moi si heureuse de te trouver à la maison. Que c’était bon !
Combien j’aurais du mieux jouir de ces heures bénies – et maintenant je ne puis
même me figurer ou tu vis, où tu souffres. Je suis bien anxieuse sais-tu de ne
pas avoir de nouvelles. Ces dernières
sont du 14 – je ne vis pas. Mon grand chéri oh dis moi que tu vas bien.
Suzie t’envoie un petit gâteau
aujourd’hui ; pas fait dans la maison (mais je l’espère bon tout de
même ; demain je t’enverrai à mon tour. As-tu reçu ton costume ? et
tes souliers ?
J’ai fait un pénible voyage hier.
Suzie et Hugo ne m’ont pas trouvée à la gare à minuit, je suis rentrée à 7 h du
matin après avoir passé 6 heures en gare de Nîmes. Par erreur j’ai pris un
omnibus qui s’arrêtait à Nîmes et n’allait pas plus loin. Aussi, cela, mes
pensées attristées, douloureuses je suis à mon tour très vaseuse, abruttie de
fatigue et de sommeil mais cela aidera au repos.
Tante Fanny a été si bonne, si
affectueuse. Elle m’a beaucoup entourée, m’a bcoup témoigné. Elle m’a donné une
robe pr mon deuil. Tu ne sais rien encore de cela et c’est mieux. Ce départ
d’oncle Marc. Il laisse une paix bienfaisante qui calme un peu mes remords bien
cuisants.
Ma plume écrit mal – excuse ;
j’ai reçu de toi du 9 et du 10, rien le 11, hier du 13 un jour après la carte
du 14 qui me laisse celle-ci toute secouée. Mais courage et confiance. Dieu est
là.
Je t’envoi d’infinis baisers.
Ta mère