[Cette lettre concerne la mort de Marc Benoît (1862-1916), un des trois frères de Mathilde Médard. Berthe (Benoît, née Mazade) est la belle-sœur de Mathilde ; Fanny est sa sœur ; Axel Busck est le mari de Fanny ; Jane est la fille d'Axel et de Fanny; Edouard Picard est le mari de Jane.]
Cannes 14 juin 1916
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rue du Titien
Mon bien aimé
Je ne sais ce que je t’ai écrit hier
tellement j’étais troublée, anéantie, brisée par ce coup inattendu. J’avais
tant espéré que Dieu me ferait la grâce de le revoir de l’embrasser et d’avoir
l’assurance qu’il n’avait aucune amertume contre moi et cette douceur ne m’a
pas été donnée. J’aurai toujours cette [mot illisible] des
regrets.
Je t’enverrai demain quelques
paroles recueillis précieusement à ses derniers moments elles te donneront une
idée de la mort triomphante qu’il a faite. Mr Bonnefon[1]
dit qu’il n’a jamais assisté à une fin pareille.
Il a chanté des cantiques jusqu’au
dernier moment. Il a dit que maman lui tendait les bras et que son sauveur
l’avait pardonné et voulait le recevoir dans sa gloire ! Il faut voir
aussi ce qu a été pr lui la famille de sa femme. C’est touchant.
L’ensevelissement a lieu demain à 2
heures présidé par Mr Bonnefon qui a reçu toute sa confession et l’a
aidé et soutenu jusqu’à la fin.
Berthe insiste pr nous garder Fanny
et moi jusqu’à Vendredi ou Samedi, je ne sais encore ce que nous ferons.
Vraiment cette mort ne nous laisse
que sentiments de douceur et de paix. Quel privilège de mourir ainsi. Quelle
grâce Dieu lui a faite.
Suzie m’a envoyé ta carte du 8. Je
l’ai eue ce soir et suis heureuse de penser que tu étais encore dans ton
village à ce moment là mais maintenant !
Que ce coin de la côte azurée est
beau ! Si je pouvais en jouir ! Fanny m’a fait un peu promener et
elle veut me montrer un joli coin demain de bon matin.
Nous allons ce soir attendre Axel à
la gare avec tante. Picard qui est en congé à Marseille vient ainsi que Jane.
Il faut partir pr la gare, je te
laisse mon cher aimé pour ce soir en t’envoyant ma tendresse.