Villa
Svéa le 19 Juin 1916
Mon fils bien aimé
Que de choses je voudrais te
raconter ! à la fois mes impressions de tristesse, ma peine profonde
adoucie, très adoucie par la lumière qui émanait de ce lit de mort !
Jamais une paix pareille. Ce n’était pas la mort qui était entrée dans cette maison
mais la vie et Dieu est bon d’avoir donné le temps à cette âme de se tourner
vers lui d’une façon si absolue, par un abandon de soi si complet. Le
détachement a été si parfait qu’il n’a plus désiré des obsèques qui auraient
réuni tous ses amis des honneurs qu’il aimait. Il a dit à Mr Bonnefon.
Je resterai ici et à peine quelques parents et amis ont accompagné sa
dépouille. J’aurais voulu oh combien pouvoir lui demander pardon de la peine
que je lui ai faite, cela Dieu n’a pas permis.
Tout le temps que j’ai passé là-bas,
je me demandais si c’était bien moi qui étais là et moi aussi dans ce cadre
merveilleux qui m a éblouie. Cette journée au Tregas me laissera des souvenirs
inoubliables. Hier encore à St Raphael seule avec tante Fanny j’ai
joui de tout cet admirable panorama qui s’est déroulé devant mes yeux. Le matin
ns avons fait une superbe promenade en voiture à Fréjus à ……… bois de pins
remplis de villas merveilleuses. Le soir nous avons dîné ici en famille avec
les Picard. Edouard s’est informé de toi, de toutes nos anxiétés avec cœur et
affection ; il espère prolonger ici de quelques jours.
J’ai trouvé ici, envoyé par Suzie ta
carte du 10 et j’ai eu ce matin celle du 12. Je pense que à cette heure tu es
peut-être au terme de ce nouveau déplacement ; que Dieu soit avec toi mon
grand aimé de fils qu’il nous soutienne, qu’il te soutienne et te garde cette
belle endurance dans ta force, ton courage. Qu’il me garde mon fils…
Je suis évidemment très nerveuse. Je
ne puis dire Que ta volonté soit faite. Mais Dieu me donne prtant une force et
une confiance que je ne croyais jamais posséder.
Mon billet me donne jusqu’à Mercredi
soir. Je partirai ce jour là à 7 h du soir.
Bonnes et douces tendresses de ta
mère bien affectionnée
Math P Médard
Oncle Marc a laissé le peu qu’il
possédait à sa femme ce dont nous sommes heureuses, ta tante Fanny et moi.