Source : collections BDIC |
Mais ma situation personnelle n’est pas enviable. K.[1] est devenu notre commandant de compagnie. Avant Verdun on l’avait aiguillé sur une voie de garage, au dépôt divisionnaire, pour se débarrasser de lui. Maintenant qu’il faut faire flèche de tout bois on nous l’a rendu. Il est le seul officier de la compagnie car Soula a été affecté autre part. Il assure donc en principe le commandement, mais il n’est plus qu’une loque. Le bombardement encore violent lui a fait perdre ce qui peut lui rester de calme et de courage. Il est blotti et couché dans une niche, sous le parapet, et rien ne peut l’en faire bouger. Il ne la quitte même pas pour pisser et il faut que son ordonnance lui apporte à cet effet une vieille gamelle dont il se sert comme pot de chambre. Il est la risée de tous. Pratiquement je dois assurer le commandement de la compagnie sans en avoir officiellement la charge.
Source : Mémorial GenWeb |
Nous passons encore de dures journées. Dans la nuit du 23 au 24 trois hommes sont encore tués dont le bon Jean-Marie Leberre, qui avait été si ému en Champagne à la pensée d’avoir tué un homme. Son tour est arrivé. La nuit suivante au moment où une rafale d’obus s’abat sur nous, nous nous aplatissons contre la paroi de la tranchée ; Sartran, qui s’est collé contre moi, est atteint à une grosse artère et j’entends son sang couler comme une fontaine sans rien pouvoir faire pour lui porter secours. Il meurt dans mes bras.
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie : La guerre)
[1] Rappel : K.G., lieutenant au 132ème a été anonymisé par l’auteur du blog. Il commandait la 5ème compagnie suite à l’évacuation du lieutenant Renault, blessé lors d’une reconnaissance le 16 juin.