2-7-1916
Maman cherie,
Je viens de recevoir tes mots des
24, 27 et 28. C’est un immense soulagement de te sentir enfin rassurée. Tu
seras pourtant restée encore quelques jours sans nouvelles après ma carte du
21 ; tu sais que le soir du même jour nous sommes remontés pour 5 jours,
qui ont été moins durs que les premiers, mais qui ns ont couté encore quelques
hommes et de la fatigue.
C’est terrible de penser que
d’autres ont prit notre place et qu’on souffre et meurt toujours là bas. Hier
nous avons fait dans la foret voisine une longue marche un peu fatigante.
Aujourd’hui Dimanche c’est le repos ; et je passe les heures auprès de
vous.
T’ai-je parlé de mon nouvel
ordonnance. L’ancien [Jean-Baptiste
Lemaine], un de mes meilleurs soldats est
mort là-haut. Celui-ci [Toussaint] est
un phenomène, un peu tête brulée, levant facilement le coude ; mais dévoué
comme un chien de berger ; abattant du travail comme un nègre et très
attaché. Je n’ai jamais été aussi bien brossé, ciré, fourbi, lavé, décroté,
etc. Je n’ai plus à bouger le petit doigt. J’ai donné son adresse à tante
Fanny, qui me demandait des protégés. Je viens encore de recevoir d’elle un
paquet et de l’argent. Mon tour de permission est encore lointain, très
lointain. Mais comme je vais être cité, la citation donne droit à deux jours,
qui generalement s’ajoutent à la permission, mais exceptionnellement peuvent
faire une permission spéciale. Naturellement, je ferai l’impossible pour
obtenir ce privilège.
Toujours très tendrement
Jean
Je n’ai pas encore reçu le costume et les
souliers. Mais j’espère que ça ne tardera pas.