Villa
de Suède le 9 Juillet 1916
Mon Jeanot chéri
Je suis bien gâtée aujourd’hui. Ce
matin une carte du 4. Ce soir Dimanche au retour de notre réunion du Dimanche
tjours avec Mr Corteel professeur d’Anglais interprète ici arrive ta carte du 7
qui me surprend beaucoup. Faut-il se réjouir ? Je ne sais plus. Les choses
changent si vite de figure ! Tu n’es pas content ! Tu quittes le
connu auquel tu es fait par la force des choses pr l’inconnnu ! Mais si
c’est un privilège et si tu es privilégié c’est que tu es remarqué : tu as
fait ce qu il faut pr cela et je voudrais savoir surtout ce qui a valu cette
citation. Je sais que tu fais tjours ton devoir et au-delà mais enfin qu’est ce
qui l a motivé ? et puis pour moi tu es à l’arrière pour quelque temps et
je veux dire « Merci mon Dieu » de toute mon âme. Bien assez vite
viendront encore les heures noires où pour moi, la vie s’arrête.
Cependant de bonnes nouvelles
circulent. Pendant cette offensive de la Somme, les pertes sont minimes
parait-il ? Ah ! si elles pouvaient ne plus être du tout ! Mmes
Frisch et Benker sortent d’ici. Elles se sont beaucoup informées de toi. Mr
F. écrit de bonnes choses – il voit tout en beau. Il questionne des prisonniers.
Il affirme que tout est bien. Espérons, espérons encore, et cela aidera à
vivre.
Je suis contente que tu sois avec Mr
[Edouard] Gétaz. Il est moins laconique que toi dans
ses lettres à sa mère. Tu me dis si peu ! Quand seras-tu nommé
s-lieutenant ? et quand seras-tu décoré ? Je suis attristée que tu sois séparé de tes camarade de ta
section, où tu vas certainement t’attacher à nouveau ces pauvres enfants mais
retourneras-tu au 132. Ne seras-tu pas changé ?
Je te quitte mon brave enfant pr le
diner qui est avancé à cause de Mr Corteel que son travail appelle à huit
heures. Nous avons Madeleine [Benoît] toute la journée. Sa mère rentre Mardi.
Ce que tu me dis au sujet de ta
permission ne m’étonne pas et ce ne peut me desoler completement car je n’ai
jamais osé compter sur ce bonheur. Pourtant ce serait un droit avant de
retourner dans la tourmente.
Je n’ose pas même demander à Dieu
ayant peur de trop demander. Je ne demande qu’une chose : qu’il te garde
et te ramène un jour ! Jusqu’ici je suis apaisée tu as été gardé.
N’as-tu pas reçu encore ton
costume ? Je vais me le faire payer. Il y a un mois que je l’ai expédié.
Ecris au dépôt pour réclamer.
Reçois les plus tendres caresses de
ta mère. Tendresses de tous. Baisers d’Elna.