22-7-1916
Maman cherie,
Je ne t’ai pas écrit hier. Longs
exercices, puis j’étais de jours ; les repas se prolongent indéfiniment
avec du champagne à cause de nouvelles nominations, qui s’arrosent toujours. G.
vient d’être nommé lieutenant, et depuis il est encore plus excité.
J’ai oublié de t’annoncer q. chose
d’important : les fiançailles de [Albert] Mercier avec Mlle Marguerite Conord de Marseille. Il m’a
annoncé ça il y a quelques jours. Je ne m’y attendais pas du tout. [Edouard] Gétaz me dit
que cette jeune fille est charmante.
De moi rien de nouveau : ma
citation est officielle et accompagnée, sois en sure, de beaucoup d’autres.
Ce pays est délicieux. Ce serait le
paradis si l’on était pas en guerre et s’il n’y avait pas de separation. Une
vallée majestueuse, riche, verte, beau village, population acceuillante. La
bataille de la Marne a laissé des ruines plus au sud. De l’avis de tous, jamais
le 132e n’a été aussi bien.
Tante Fanny m’a envoyé hier encore
une bonne lettre avec de l’argent. Je suis quand même à sec car je suis obligé
tous ces jours-ci de mener grand train sans un sou, mais d’après ta lettre ton
argent va arriver, merci d’avance car j’ai reçu tes bonnes lettres des 16 et
17.
En même temps un mot de Mlle
[Léo] Viguier, la lettre de tante Fanny, un de
mes hommes blessé qui me donne de ses nouvelles ; et des parents sans
nouvelles, les parents de mon ancien ordonnance qui me demande ce qu’est devenu
leur fils. Je n’ose pas leur repondre.
Très tendrement toujours
Jean