Villa
de Suède le 4 Juillet 1916
Oh si cette régularité dans notre
correspondance existait ainsi toujours. C’est si réconfortant de recevoir une
pensée tous les jours, si petite soit-elle. C’est aussi quelquefois terrible
d’apprendre d’horribles choses qui vous glacent le sang mais on aime mieux
savoir. Oh, oui, bien mieux, tout de même.
Sera-t-il long ce repos ? aurai
je quelques jours d’accalmie, et toi de repos si necessaires ? Ah combien
je comprends la brisure, la meurtrissure du corps et celle de l’âme !
Je ne peux écrire que laconiquement
très prise aujourd’hui par Na qui est tuante à garder. La nounou est sortie pr
des commissions, sa maman est allée à Montpellier voir Alice Herrmann à la
veille de passer son bachot, et malade au fond de son lit. Mme Neri
sort d’ici pr ses adieux avant de monter à Lacaune et « Na » échappe
à ma surveillance, elle va manger de la terre, se vautrer dans l’eau qui court
sur la terrasse je ne puis rien faire, elle sera terrible.
Comme j’aime à me représenter ta
section avec son cher petit chef en tête mangeant des fraises en plein bois.
Que c’est loin des terreurs passées prtant si proches et que je suis allégée de
te sentir allongé le soir dans un lit !
Combien douloureuse à écrire a du
être ta lettre aux Lefèvre. Je pense à eux sans cesse. Etait il marié ? un
gentil garçon ? et le grand sergent major et le fourrier que sont ils
devenus ?
Ou penses-tu aller après le
repos ? Je ne puis y penser.
Adieu bien aimé de mon âme. Je
t’aime. Oh ! combien !
Ta maman