Villa
de Suède ce 3 Juillet 1916
Mon Jeanot bien aimé
Ce matin tristement penchée sur les
bas de la maison que je raccomodais j’ai levé lentement la tête en entendant la
voix du facteur et sans confiance, lorsqu’il a dit : 2 carte et lettre pr
Mme Médard, je me suis mise à trembler si fort que je ne pouvais les
ouvrir et qu’on a du me donner un petit cordial… Je suis vaillante hein !!
Que ferais-je moi, sous les obus ?
Ns ns sommes réunies toutes les
femmes de la maison sans excepter Elna pr lire cette missive si fort
espérée ! Je ne pouvais arriver au bout et vite je me suis jetée à genoux
pr bénir, pour adorer, pour remercier notre Père.
Mais se peut-il mon Jean chéri que
toi à qui je voudrais enlever les moindres aspérités du chemin, tu aies du
supporter de pareilles souffrances ? Vraiment on a exigé que vs remontiez
le soir même du jour où vous êtes revenus de la tourmente ? mais comment
avez-vous pu franchir la distance ? Comment avez-vous pu tenir encore cinq
jours ? sans dormir n’est-ce pas ? Oh ! c’est affreux, affreux,
je ne puis y arrêter ma pensée !
Pourquoi n’avais tu pas pris des
provisions de route ? Ns t’avons envoyé déjà au moins cinq paquets, helas
ils sont venus trop tard, mais n’en as-tu reçu aucun ? il en part deux ce
soir de Suzie, un de moi – dis nous si tu les reçois garde les conserves pr le
moment nécessaire, dis moi aussi ce qui te serait bon. N’as-tu pas besoin de
linge ? N’as-tu pas encore reçu ton costume il est parti depuis un mois au
moins.
Je pense avec amertume à la
tristesse que tu as éprouvée devant la mort de ton brave poilu ! est ce
celui qui est sur la photo – pauvres pauvres enfants si courageux ! Que
Dieu est bon de t’avoir protegé ainsi. Tu le vois …. je ne sais plus que dire…
Mon cœur est trop plein.
Que cette photo m’a fait plaisir,
comme tu es bien pourquoi ne dis-tu pas où tu étais sur ce beau cheval ?
Seras-tu bientôt ss lieutenant. J en suis bien heureuse pour toi, bien fière
aussi, si cela ne doit pas t’exposer davantage.
Et puis, tu fais luire à mes yeux
une chose qui m’etreind le cœur de joie. Une permission ? Je pourrai
encore te serrer dans mes bras ! mais s il y a offensive générale ?
Suzie attend ces lignes, je vais y
mettre un terme pr ce soir.
Penses tu être longtemps au repos.
Mille baisers
Ta mère