Cette
le 20 mars 1916
C’est déconcertant. Je reçois ce
soir ta carte du 16 ; cette dernière n’a mis que quatre jours à venir et
ce matin ta carte du 14. Y a-t-il eu une missive au 16 ? Enfin je suis
bien heureuse d’avoir des nouvelles de quatre jours. Ce que j’aimerais savoir,
mon bien aimé c’est si tu es de retour à la tranchée ? Explique-moi pourquoi vous avez couru les
boyaux dans la nuit. Avez-vous la crainte qu’ils fussent envahis ?
Je vais faire partir demain ce
paquet. Par la poste je ne pourrai t’adresser qu une chemise et un caleçon.
Hier un paquet est parti. Le contenu te plaira t il ? C’est terrible que
ce moyen d’expédition soit si couteux. On voudrait expédier chaque jour.
Tu dois envoyer tes lettres à
Marseille. Suzie y va Lundi prochain et suivant la réponse de tante Suzanne
j’irai avec elle ou je partirai pr Saverdun. Dans ce cas, Suzie fera suivre tes
lettres et malgré tout j’en serai peut-être privée quelques jours.
Une grande privation aussi sera
celle d’Elna ; tu ne peux te figurer ce qu’elle devient délicieuse !
si mutine, si drolette et éveillée. On va, à Marseille, en faire des folies.
Je viens de passer quelques heures à
la maison pour faire des arrangements. Mon major m’a fait dire par les dames
qu’il ne voulait plus payer que 60 frs et Suzie veut que je tienne bon pr 90.
Ce sont des choses ennuyeuses à discuter.
Au retour visite de Mme
Pont. Hier ns sommes allées au cimetière avec ta sœur ; elle a été bonne,
affectueuse, tendrement filiale comme elle l’est toujours maintenant et je n’ai
qu’à remercier Dieu de me donner de tels enfants qui deviennent de plus en plus
chers. Quel anniversaire ! que de pensées douloureuses ! que de reconnaissance
aussi.
As-tu des nouvelles de [Daniel] Loux ? Que devient-il ? Qu’as-tu
fait au repos ces jours ci ? N’as-tu pas essayé de voir quelques
coreligionnaires ?
Pour la première fois aujourd’hui
dans le Journal le ministre [des finances] [Alexandre] Ribod parle à la tribune de la « Paix
possible » cela m’a donné du courage pr la journée. C’est vrai que notre
victoire, est belle à Verdun ! Le soldat français est le plus admirable
des soldats. Mais je crois qu il aura encore à donner bien des preuves d
héroïsme et d’endurance avant de rentrer au foyer. Quel beau jour que celui là
pr ceux qui y [mot illisible] ! Adieu
mon cher trésor. Je t’aime de toute mon âme. Je te serre sur mon cœur. Tu as
bien entendu les baisers de tous et les meilleurs de ta mère.
Math P. Médard