1-3-16
Maman chérie
Si je ne t’écris pas de longues
lettres c’est que l’installation est toujours rudimentaire. Je t’écris debout.
D’ailleurs vie toujours la même. Cette nuit on est allé travailler en deuxième
ligne ; ça n’a pas été trop dur. Le travail a été fini plus tôt que la
dernière fois. Bien étranges ces nuits du front. Parfois c’est presque le
silence, mais jamais l’obscurité. A tout moment d’un point ou d’un autre, des
fusées éclairantes, boches ou françaises, montent vers le ciel et descendent
lentement en jettant sur toute la contrée une lumière blafarde. Parfois les
fusées sont rouges ou vertes, parfois des projecteurs fouillent le ciel à la
recherche des voyageurs de l’air. D’ailleurs tu as du voir un peu ça de Verdun.
Pauvre Verdun, ça doit faire une impression étrange. J’ai bien des amis là-bas,
[Albert] Léo en particulier et il me tarde d’avoir des
nouvelles.
Tendrement
Jean