3-3-16
Maman chérie
Notre dernière journée de repos. On
remonte demain à la tranchée Et je t’ai dit déjà que la vie n’y était ni plus
fatiguante ni plus dangereuse qu’ici. Hier j’ai pu me dispenser de travail de
nuit et je n’en étais pas faché. J’ai lu des betises toute la soirée. J’ai reçu
les fameuses chaussettes de tante Fanny, ce sont les morceaux de toile graissée
que tu m’avais donné toi-même avant mon depart. J’ai l’intention d’ailleurs
d’essayer ça pour cette relève. J’ai reçu une bonne lettre de [Pierre] Lestringant. Il me donne quelques details
sur la journée du 27 Fevrier à Paris, qui a été presque un petit congrès. Je
dors admirablement la nuit. Generalement j’aime mieux pas de paille à cause des
totos. Je n’en ai d’ailleurs pas attrapé jusqu’ici. J’ai + que ce qu’il me faut
pour me couvrir, la nuit comme le jour. N’envoie rien, c’est de l’argent gaté.
Pas de toile cirée, ma pelerine en caoutchouc et mon pantalon en moleskine suffisent
amplement. Je n’ai + de place. Je viens encore de donner deux paires de
chaussettes de laine touchées au regiment et devenues inutiles.
Tendrement,
Jean