Cette,
le 9 octobre 1915
Mon cheri,
J’ai eu à midi ta bonne lettre bien
interessante ; j aurais voulu y lire le résultat que j’attends mais je
prends patience en sentant que tu te trouves bien dans un pays interessant,
pittoresque ou tu as à voir puis tu auras eu Jean Lichenstein et de cela je me
rejouis bien pr toi. Tu peux un peu écrire et cela te fait vivre avec ceux que
tu aimes.
Je souffre bien de ne pouvoir écrire
à personne et bien des amis me demandent prtant des nouvelles. Gaston Nézée [?] t a écrit pr te prier de lui en donner. Il
est à Montpellier à la Sous Intendance. As-tu reçu une première lettre que j’ai
adressée à Châtelaudren ? Je n’ai pas écrit plus tôt n ayant pas ton
adresse exacte. Je suis navrée que tu sois si longtemps sans nouvelles.
Elles sont bonnes. Suzie remonte
doucement le courant, mais elle est tjours faible ; pr longtemps je crois
si non au lit du moins sur la chaise longue. J’ai pour longtemps aussi le souci
du menage et de notre petite qui prospère à vue d’œil mais me donne grand peine
de jour et de nuit. Je ne m’arrête pas un instant, aussi je délaisse tante Anna
ce qui m’est une vraie peine !
Pauvre tante Anna. On dit qu’elle arrive
cette semaine. Je ne puis songer à sa vie dépouillée sans une poignante
douleur.
Oh les tristesses se succèdent sans
interruption. J’ai reçu à midi un mot de tante Elise m’annonçant la mort d’oncle
Louis [Médard] survenue chez son ami Renaud. Cela ne me surprend point ; je l’ai
trouvé si malade cet hiver ! Mais je songe au coup que cela porte encore à
ta tante Jeanne et à ta tante Elise [les deux sœurs de Louis Médard] ! Cette dernière a du partir hier au soir.
Je n’ai aucun détail.
Jane Picard tjours garde malade chez
Suzie songe à nous quitter Lundi et je me demande comment je vais suffire à la
tache ! J’insiste pr qu’elle parte comprenant combien elle a hâte de
retourner un peu chez elle et de retrouver les blessés qui arrivent nombreux.
Ns avons eu Oscar Iskander à prendre
le café. Il est si profondément triste qu’il fait pitié.
Voilà Elna qui m’appelle pr son
bain. Il faut quitter pr cela oncle Jean que je délaisse un peu, à qui je
n’écris plus que tous les deux jours. Mais le cœur et toutes les pensées sont
là-bas avec lui à l’autre bout de notre cher pays. Dieu veuille que tu y restes
longtemps à l’abri du terrible fléau.
Mon bien aimé, je t’embrasse de bien
loin mais avec une infinie tendresse.
Ta mère affectionnée
Math P Médard
Tu
écriras tout de suite à tes tantes.