lundi 19 octobre 2015

Plélo, 19 octobre 1915 – Jean à sa mère

Plélo, 19 octobre 1915
            Maman cherie 

            Tu me gates ces jours-ci ; je viens encore de recevoir ta bonne longue lettre du 16 [qui manque dans le paquet de lettres conservées]. Ne crois pas que je m’ennuie. Ce serait humiliant de s’ennuyer lorsqu’on peut lire, qu’on peut être seul et surtout qu’on a une tache. Ça n’empêche pas de regretter la vie de famille, mais rien à faire pour revenir parmi vous. S’il y avait quelque chose à faire je le ferais. Je suis bien heureux d’apprendre que Suzon va beaucoup mieux et qu’elle peut recommencer à nourrir sérieusement. Je repond à ton interrogatoire. Ne m’envoie pas ma boite à peinture pour le moment. Mon lit est excellent. Je puis chauffer ma chambre, mais je ne l’ai pas encore fait le climat étant très pluvieux, mais très doux. Je vis toute la journée la fenêtre ouverte. Nourriture excellente. Je ne suis ni à la caserne ni à l’hopital, je suis chez moi, y couche et y passe ma vie sauf les heures de service ; je croyais te l’avoir dit. Plélo d’ailleurs est un tout petit village qui n’a ni caserne ni hopital ; à peine une mairie. Les hommes sont cantonnés dans des granges, des greniers des fermes environnantes. Je dejeune le matin au mess. Un verre de café, pain et beurre à volonté. Je pourrais me lever à l’heure que je voudrais ; mais me couchant très tôt j’assiste régulièrement à l’appel du matin (7 heures).
            Envoie à Mlle Viguier ce que tu voudras.
Je t’embrasse 

Jean