Cette,
le 7 octobre 1915
Mon enfant cheri,
J’ai reçu à midi ta lettre datée de Châtelaudren
et cela a été pr moi une vraie tranquillité ; un peu d’apaisement dans mes
tourments. Il me tardera maintenant de savoir ce que le major a décidé !
Quel est ton sort ! Je me ronge de ne pouvoir t’écrire je n’ai pas un
instant à moi, ni nuit ni jour ; Marie a perdu son beau frère et ns a donc
quittés pr aller voir sa pauvre sœur. Ns en étions réduits hier au service
d’Alice et tu penses malgré sa bonne volonté combien cela était insuffisant.
L’excellente Mme Néri prévenue s’est mise en campagne et ns a
procuré une brave femme qui vient le matin a la place de Marie et fait son
possible.
Jane est encore là, mais je sens
maintenant son désir de rentrer et je la rends libre. Elle ns quittera donc
Dimanche ou Lundi, j’aurai un grand surcroit d’occupation et ne sais comment je
m’en tirerai. Mais, si je puis y tenir, c’est pr voir bien précieux de ne
pouvoir m’appesantir sur mon chagrin.
Et ai-je le droit d’en parler quand
je songe à celui de tante Anna ? Ci-joint une carte d’elle reçue ce matin.
Tu la trouveras là encore plus admirable que jamais. C’est sublime !
pauvre pauvre tante Anna ! Quelle vie devant elle ? Quel hiver !
Ses amis Julien partent Dimanche. Moi je suis tenue pr bien des semaines.
Comment pourrai-je l’entourer beaucoup ? Hugo très filial, très bon, m’a
dit hier qu’il s’occupait de chauffer ma chambre, qu’il ne pensait pas que je
songe à les quitter cet hiver. Pr le moment, mon chéri, mon devoir est tout
tracé que ferait Suzie ?
Source : Mémorial GenWeb |
Combien j’ai été heureuse pr toi de
cette journée passée à Paris. Quelles douces heures tu as eu là j’en bénis
Dieu.
Et maintenant c’est la vraie
solitude du cœur – elle me parait aussi immense à moi ! Que Dieu soit là
tout près. Avec lui, je sais que tu n’es jamais seul.
Ns pensons à toi sans cesse. Alice
Herrmann est venue hier et s’est bien informée de toi. Elle compte venir ns
voir le plus possible ; je ne vois que Mme Néri et tante Jenny
quelquefois.
Tu as bien fait de prendre une
chambre ; il faut avant tout avoir un « chez soi » si tu avais
emporté de quoi faire un peu de thé ! Je t’entends d’ici, je deraisonne et
te quitte bien vite pr que le laitier emporte ces lignes.
Vite bien vite des détails.
J’aurais voulu te cacher longtemps
la mort de Pierre pr ne pas assombrir encore ton arrivée là-bas. Il fallait
prtant te le dire.
Ns t’embrassons et [mot illisible] avec mon cœur bien triste mais tout plein
de toi.
Ta bien vieille Maman