jeudi 22 octobre 2015

Plélo, 22 octobre 1915 – Jean à sa mère

Plélo, 22 octobre 1915
            Maman cherie 

            Je viens de recevoir ta bonne lettre du 19. Tu peux m’envoyer le paquet en question sans le livre que je te demandais. Mets à la place si tu veux, la vie de Jesus d’Henri Monnier un gros volume jaune qui se trouve dans la bibliothèque de la chambre de Suzon. Tu peux ajouter aussi mon kepi rouge. Mais tout cela n’est ni indispensable, ni pressé.
            Toujours rien de nouveau ici. Un très beau soleil fait place aujourd’hui à la pluie et au froid. J’ai passé une nouvelle visite, simple formalité et ai été maintenu en 2ème categorie. Ne recevant rien de Jean Lichtenstein, j’ai demandé une permission de 24 h pour aller le voir moi-même à Roscoff Dimanche, j’espère qu’elle me sera accordée.
            Reçu une bonne lettre de Lestringant, toujours soigné sur le front par le Docteur [Louis] Perrier ; de Léo, qui malgré toutes les tristesses qui l’entourent, jouis beaucoup du pays ds lequel il se trouve ; de René Cera[1], l’ami du 55 qui m’a fait mon portrait il y a bientôt un an. Légèrement blessé à l’épaule en Champagne, il est soigné à Vichy ; de tante Jeanne : elle me dit qu’à mesure que les bien aimés s’en vont, il vivent auprès de nous d’une vie invisible aussi réelle. Oncle Frank a eu une permission de 4 jours. Tante Elise et lui étaient à Paris.
            Le clairon sonne le rassemblement ; je te quitte pour aujourd’hui et t’embrasse tendrement. 

Jean 

            Je pense à cette reprise de la vie par tante Anna. Ce doit être dur ; ce le sera surtout lorsque Lucien [Benoît] sera parti.

[1] René Cera (1895-1992). Camarade de Jean au 55ème RI. Artiste peintre. Voir billet du 15 décembre 2014.