Cette,
le 5 octobre 1915
Mon grand bien cheri,
Quand auras-tu quelques mots de ta
maman ? qui ne te quitte prtant jamais en pensée et te suit heure par
heure. Mais [mot
illisible] possibilité d’écrire ? Tu
sais heureusement ce qu’est ma vie et tu m excuseras car elle s’est encore
compliquée ns n’avons plus de garde, ni Marie-Louise qui est partie sans
prevenir Suzie, ni personne pendant que le docteur était là. Elle venait de me
demander de compter avec elle, elle n’avait pas fait le dîner mais je pensais qu’elle
prendrait congé de ta sœur. Tout le monde est satisfait de ce depart, même
Hugo. Suzie vient de passer deux excellentes journées ; elle a le meilleur
appétit possible, le lait semble un peu revenir ; de ce côté tout serait
bien si on pouvait être heureux et se rejouir.
Je suis rentrée samedi de la gare
bien douloureusement tu le sentais et je n’ai pu longtemps m’appesantir sur ma
détresse. Jenny était venue ns rejoindre à la gare ou elle ne ns avait plus
trouvés elle est montée ici me dire que les Bouscaren avait téléphoné pr ns
prévenir de l’aggravation du mal chez Pierre [Benoît].
Dimanche matin j’étais encore au
lit, toute à ma tristesse, me reposant un peu en vue de la nuit à passer en
perspective lorsque tante Jenny est venue me dire que tout était fini. Il est
mort je crois dans la nuit de Vendredi. Je ne puis réaliser cet affreux
malheur. Je suis là ne sachant que dire à ta pauvre tante dont je mesure la
douleur ! et je suis persuadée qu’elle n’y survivra pas. J’aurais voulu
attendre pour te dire cette horrible chose, mais je pense que tu voudras écrire
à ta tante. Ns avons eu hier Yvonne [Yvonne Bouscaren, l’épouse de
Lucien Benoît, le frère aîné de Pierre]
qui ne sait pas plus. Du reste la carte que je t’adresse et que tu as reçue
Dimanche te dira tout ce que ns savons. Je ne sais ou écrire. Je n’ai fait
encore que télégraphier. Ces dames sont-elles encore à Gérardmer ou à Nancy. Tu
devrais écrire à Nancy. Hugo me dit qu’il avait toujours été pensable que
Pierre ne pourrait supporter l’amputation. Seuls les hommes très sains, qui
n’ont fait aucun excès se remettent ! et puis on l’a faite trop tard. Je
suis toute désemparée, je ne puis réaliser.
J’ai reçu ta carte de Paris. Je ne
savais où t’écrire à Châtelaudren. Mais il me tarde de savoir ce que tu as
trouvé, toutes tes impressions et je te prie de ne pas me les marchander.
Jane [Jane Busck,
épouse Picard, cousine germaine de Jean] est
heureusement tjours là. Que ferions ns sans elle ? Je suis si lasse par
ces nuits incomplètes. Mon bien aimé que Dieu ait pitié qu’il soit tjours près
de toi. Ns t’embrassons tous et moi bien tendrement, plus que jamais.
Ta mère affectionnée
Math P. Médard