jeudi 8 octobre 2015

Plélo, 8 octobre 1915 – Jean à sa mère

Plélo, 8 octobre 1915
            Maman cherie 

            J’ai appris hier par une lettre d’oncle Fernand [Leenhardt] la mort de Pierre [Pierre Benoît, son cousin germain]. Pauvre tante Anna. Rien ne lui est epargné ; je me demande comment elle a supporté ce coup, elle dont la santé était déjà si eprouvée et qui se faisait tant d’illusions sur l’etat de son fils. Les Bolgert m’avaient donné de mauvaises nouvelles, mais j’étais loin de m’attendre à ce denouement là. Pour nous aussi c’est un vide. Il nous aimait et nous le lui rendions bien. Je souffre de ne pouvoir parler de lui à personne.
            Oncle Fernand me donne aussi de bonnes nouvelles de vous tous. J’ai été naturellement heureux de savoir que Suzon allait de mieux en mieux. Comme je pense a vous tous mes cheris, et comme je suis avec vous malgré l’espace. Je pense à la toute petite aussi et espère qu’elle continue à remplir dignement et metodiquement ses fonctions de tube digestif. Suzon continue-t-elle à nourrir et son lait revient-il.
            Pour moi rien de nouveau. Le temps est triste. Il pleut une petite pluie fine de Bretagne. Ma cantine n’est toujours pas retrouvée. Par contre je viens de toucher ma solde d’hopital 280 fr. Dans cette somme le mois de Juin (58 fr) n’est pas compté. Il me faut encore un certificat de Chambery. Je l’aurai facilement. Naturellement je ne garde pas tout cet argent avec moi. Je t’envoie en attendant 200 fr. Tu vois qu’avec le reste j’ai encore largement et pour longtemps.
            Hate-toi de m’envoyer la liste des objets contenus dans la cantine et le tarif. Envoie moi aussi une chemise et une paire de chaussette en attendant, si possible par la poste.
            Je te quitte pour aujourd’hui. L’appel sonne.
Tendrement à vous tous 

Jean