Plélo,
8 octobre 1915
Maman cherie
J’ai appris hier par une lettre
d’oncle Fernand [Leenhardt] la mort de Pierre [Pierre Benoît, son cousin germain]. Pauvre tante Anna. Rien ne lui est
epargné ; je me demande comment elle a supporté ce coup, elle dont la
santé était déjà si eprouvée et qui se faisait tant d’illusions sur l’etat de
son fils. Les Bolgert m’avaient donné de mauvaises nouvelles, mais j’étais loin
de m’attendre à ce denouement là. Pour nous aussi c’est un vide. Il nous aimait
et nous le lui rendions bien. Je souffre de ne pouvoir parler de lui à
personne.
Oncle Fernand me donne aussi de
bonnes nouvelles de vous tous. J’ai été naturellement heureux de savoir que
Suzon allait de mieux en mieux. Comme je pense a vous tous mes cheris, et comme
je suis avec vous malgré l’espace. Je pense à la toute petite aussi et espère
qu’elle continue à remplir dignement et metodiquement ses fonctions de tube
digestif. Suzon continue-t-elle à nourrir et son lait revient-il.
Pour moi rien de nouveau. Le temps
est triste. Il pleut une petite pluie fine de Bretagne. Ma cantine n’est
toujours pas retrouvée. Par contre je viens de toucher ma solde d’hopital 280
fr. Dans cette somme le mois de Juin (58 fr) n’est pas compté. Il me faut
encore un certificat de Chambery. Je l’aurai facilement. Naturellement je ne
garde pas tout cet argent avec moi. Je t’envoie en attendant 200 fr. Tu vois
qu’avec le reste j’ai encore largement et pour longtemps.
Hate-toi de m’envoyer la liste des
objets contenus dans la cantine et le tarif. Envoie moi aussi une chemise et
une paire de chaussette en attendant, si possible par la poste.
Je te quitte pour aujourd’hui.
L’appel sonne.
Tendrement à vous tous
Jean