27-5-16
Maman cherie
Ci-joint quelques petites photos qui
te feront peut être plaisir. Elles sont mal tirées, mais je tacherai d’avoir du
papier et d’en tirer d’autres.
L’une est prise à la porte du bureau
de la Compagnie, où je couche actuellement, et d’où je t’écris aujourd’hui
même. C’est un abri tout à fait confortable.
A coté de moi le sergent fourrier Ducluzeaux,
très gentil garçon, et assis en avant notre interminable sergent major, Charlet.
Sur l’autre, notre salle à manger à
l’heure du repas. Tu vois que notre ameublement est à la fois moderne et
primitif. A l’issue du repas pendant lequel a été pris les photos le banc sur
lequel je suis assis a même cédé sous le poids de nos 3 corps et nous sommes
tombés les 4 fers en l’air.
A coté de moi Ducluzeaux et au fond
l’adjudant, en face Charlet et à coté de lui [Emile] Roulleau[1],
le caporal fourrier, un type absolument crevant. C’est un ami intime du
lieutenant, ami d’enfance, et ils passent leur journée à se taquiner. Au fond,
un des hommes de ma section qui nous sert, un des plus braves.
Sur l’escalier, de bas en haut,
Ducluzeaux et Roulleau, moi, l’adjudant et mon brave poilu, un autre poilu et
le sergent major.
Tu vois que nous n’avons pas l’air
trop malheureux.
J’ai reçu hier après-midi tes bonnes
lettres des 22 et 23.
Ne t’en fait pas pour les souliers
et surtout pour les livres. Surtout ne fait pas la bêtise de les acheter si tu
les retrouves pas, j’en acheterai plutôt d’autre, quitte à ne retrouver ceux-là
que beaucoup plus tard.
Bien sur que j’ai reçu ton gateau,
je t’ai même remercié il y a longtemps et m’étonne que tu n’aies pas reçu mes
remerciements.
Très tendrement à toi
Jean
[1] Jean écrit « Rouleau », à chaque fois qu’il mentionne ce camarade ou sa famille.