18-5-16
Maman cherie
Il me faut beaucoup de courage pour
commencer une lettre à cette heure de la journée – il est midi – car il fait
une chaleur écrasante, une chaleur d’été qui rend moite comme une eponge et mou
comme une chique, mais je ne veux pas remonter aux tranchées sans t’envoyer q.
chose de + consequent que de petits bouts de cartes.
D’abord pour te rassurer. Les
communiqués parlent pas mal de la Champagne ces temps-ci, et même de notre
secteur. Ça ne veut rien dire ; aucun changement dans notre vie.
T’ai-je dit que j’ai reçu le gâteau.
Il a été très apprécié par moi et par les autres, le cachou les cigarettes
aussi d’ailleurs. Le saucisson, je le garde pour la tranchée. Oui je regrette
infiniment que tu n’aies pu avoir par oncle Georges des nouvelles fraiches et
de vive voix. Enfin !
Je me suis fait arranger et
retailler des effets militaires que j’avais touché au depot, ça ne m’a pas couté
cher, et maintenant je suis « beau petit jeune homme » comme on dit
ici.
Pendant que je suis à t’écrire je
reçois une lettre de toi et une carte de Mazère. Ainsi à l’heure qu’il est tu
es prête à quitter Saverdun. Je t’envoie donc cette lettre à Cette et quand tu
la recevras tu auras retrouvé le sourire d’Elna. Embrasse la bien de la part de
son parrain.
Avant-hier j’ai porté mes premières
punitions, et du coup j’en ai puni 5. Ça m’embetait, mais il le meritaient
bien.
Ce matin a eu lieu l’exercice nous
avons organisé des jeux, ce qui les embête beaucoup moins et les developpe.
Embrasse-les bien de ma part, je
t’embrasse bien fort. On fait trop de bruit autour de moi pour continuer.
Tendrement à toi.
Jean