Cette le 28 Mars 1915
Mon bien chéri
Hier soir est arrivée la seconde carte
écrite par ton camarade et je ne puis dire ce qui se passe en moi. Oui prtant c’est un hymne constant de
reconnaissance qui monte de mon cœur vers Dieu car je ne puis voir là qu’une
intervention divine et je ne me reconnais pas moi-même je suis plus remontée
bien plus forte et courageuse que Dimanche dernier où j’étais une vraie loque
humaine. Tu es bien blessé mon fils bien aimé mais je sais que tu guériras et tu
es à l’abri de ces atrocités qui coutent tant de douleurs, une douleur si
affreuse à tant de pauvres mères, tant de pauvres femmes.
Aussi quand je frémis au récit de ce que tu
as enduré, de ce que tu as vu je cherche à remonter mon courage pr ne laisser
place en mon cœur qu a la reconnaissance. Comment as-tu pu marcher pendant 2
kilomètres c’était courir le risque d’aggraver affreusement ta blessure et de
provoquer des hémorragies. Ms ns parlerons de tout cela de vive voix n’est-ce
pas ? et quand tu seras plus fort.
Je pense tjours à te rejoindre. Je ne puis
chasser ce désir. Mais je voudrais connaître le tien. Si tu dois être évacué
bientôt, il est bien sûr que mieux vaut garder l’argent de ce grand voyage à
venir te gâter un peu plus longuement. Je t’adresse un mot d’Annie [Annie
Busck, épouse Houter, cousine de Jean]
qui te diras ce qu’elle propose. tu serais evidemment mieux soigné à Marseille
qu’ici [à Sète] et j’y viendrais tout
de suite.
Encore une grande bonté de Dieu de permettre
que tu sois évacué dans le midi.
Ah ! que ce serait doux d’être assise à
ton chevet cette après midi. Je suis chez Suzie qui est seule au logis, Hugo
étant très pris en ce moment et ns pensons à toi, à toi seul !
Ce matin j’ai été à l’Hopital avant le culte
ou je suis très entourée par mes petits sergents qui courent vers moi tout de
suite pr avoir de tes nouvelles.
L’un d’eux a eu aussi le poumon atteint et
il a le bras paralysé. Il se sent comme privilégié, car il a su ce matin la
mort de plusieurs étudiants de ses amis et deux ont perdu la tête. Il y a de
quoi n’est-ce pas mon cher enfant ?
Chacun s’informe de toi et je fuis un peu pr
n avoir pas tant à être questionnée.
Avant-hier et hier j’ai eu des tas de
visites. Avant-hier je me suis enfermée chez Suzie j’avais tellement besoin de calme.
J’ai reçu tes photos elles sont assez bonnes
et m’ont donné une réelle joie. Tu es mieux que cela et tu as l’air bien
triste. Mais je t’aime bien aussi ainsi.
J’ai reçu une lettre touchante de tante
Fanny [Fanny Benoît, sa sœur]. On ne peut être plus
maternelle et meilleure. Elle te voudrait aussi à Marseille et prétend que tout
Verdun est évacué dans leurs Hopitaux que celui d’Anna [?] est un rêve.
Ns faisons avec ta sœur des projets pr
lorsque tu seras en convalescence auprès de nous. Je vois une chaise longue dans
le jardin ou tu te laisseras choyer. Mais nous n’y sommes pas n’est-ce pas et
je ne veux pas non plus que cela vienne trop vite ! Suzie commence ses
réparations ; dans quelques jours ns ns installerons ici.
Madame Armand était attendue pr Pâques, mais
Suzie lui a écrit qu’il y avait ici un peu de scarlatine.
Madelon [Madeleine Benoît, cousine de
Jean] va un peu mieux mais elle l’a en
plein et tante Anna est tout-à-fait immobilisée auprès d’elle regrettant cette
quarantaine.
J’ai reçu déjà de grands témoignages
d’amitiés et d’affection pr toi de tes oncles à Montpellier. J’avais du écrire
à oncle Fernand [Fernand Leenhardt, cousin germain de Mathilde] qui me demandait de tes nouvelles par lui les
Pastoureau ont su que tu étais à Verdun ils ont parait-il télégraphié a une
amie de venir te voir.
Hélène de Richemond [née Leenhardt, cousine issue de germain de Mathilde] a écrit aussi au pasteur Krug [aumônier à Verdun] ami de son mari[1] qui a déjà été avisé par dépêche par Mr Brun [le pasteur de Sète] de sorte mon bien aimé que tu ne te sentiras pas trop abandonné !
Hélène de Richemond [née Leenhardt, cousine issue de germain de Mathilde] a écrit aussi au pasteur Krug [aumônier à Verdun] ami de son mari[1] qui a déjà été avisé par dépêche par Mr Brun [le pasteur de Sète] de sorte mon bien aimé que tu ne te sentiras pas trop abandonné !
Je vais te laisser pour pouvoir faire partir
ces lignes encore ce soir car c’est poignant de penser que tu n’as rien encore
de ta maman. Et puis arrange-toi pr faire ecrire encore un camarade et dis moi
si tu souffres beaucoup… mais en toute verité ! J’aime mieux le savoir que
l’incertitude et reçois à distance de chaudes et tendres caresses d’une maman
qui ne vit que pr toi et avec toi
[1] Le mari d’Hélène Leenhardt était le pasteur Adolphe Meschinet de Richemond (1870-1915) qui venait d’être tué par un obus, le 15 février 1915, à Châlons en Champagne, où il était alors aumônier militaire. (Source : La main de l’Eternel serait-elle trop courte ?, correspondance de guerre du pasteur Henri Nick et de sa femme Hélène).