Cette le 26 Mars 1915
Mon
bien aimé
Enfin
enfin je sais pour rendre grâce à Dieu ! Quelle délivrance mon fils !
J’ai été tellement angoissée ! une véritable agonie tu peux croire tant
que je n’ai rien su de cette blessure. On n’en parlait pas sur le bulletin,
elle devait donc être bien grave je le pensais et maintenant pr aussi sérieuse
que cela soit je me sens renaître à la vie.
Dieu
t’a gardé à mon amour rien n’est plus rien maintenant et je me sens toute raisonnable
j’accepte très bien l’idée de ne pas courir vers toi et je voulais y courir si
l’on ne m’avait affirmé que je ne pouvais pas passer. Cependant si cela était
possible et que tu aies envie de me voir veux-tu que je tente les démarches
nécessaires ? Je viendrais tout de suite.
J’espère
que ton aimable camarade voudra bien me donner de tes nouvelles tous les jours,
tu comprends combien cela m’est nécessaire pr supporter la séparation !
Je
n’ai pu t’écrire de toute la journée j’avais fui chez Suzie pr éviter les visites
qui ont afflué j’ai eu là-haut aussi les Auriol et Karine [Karin Möller]. Je ne puis donc que
t’adresser quelques mots de tendresse ce soir.
Ah ! quel bonheur le jour où nous
pourrons parler de vive voix de tout ce dont le cœur est plein. Le médecin chef
a été bien bon de nous rassurer si entièrement par sa depêche, je lui en ai une
profonde reconnaissance.
Suzie
a été dans une joie qui faisait du bien à voir lorsqu’elle a été rassurée comme
moi. Sois bien raisonnable, bien patient, ne bouge pas afin de ne rien compromettre
et que notre Dieu te garde encore et toujours. Avant d’avoir la carte que tu
m’adresses j’avais ce matin quelques détails terribles pr moi par le sergent du
132e qui est au Lazaret. Il les a reçus d’un camarade blessé de la
10e Cie qui lui raconte les assauts de la Cie
le 18 et les contre attaques.
Es-tu dans une
chambre seul ?