Cette
le 15 mars 1915
Mon bien aimé Jean,
Je ne sais si ce message arrivera à destination
mais il faut que je te l’adresse mon fils cheri car je ne puis être qu’à toi et
ma pensée ne te quitte pas un instant ! ou te trouver ! que c’est dur
de ne pas savoir où te chercher !
J’ai eu une vraie douceur à avoir
des détails sur toi par Suzie et Hugo. Ta sœur est revenue toute rayonnante de
t’avoir vu dans tes fonctions et de t’avoir embrassé encore. Tu étais si
beau et si charmant parait-il. Elle a été bien hrse et son mari aussi mais j’ai
bien compris ce desir qui était le mien. Je pense que tu as compris que c’était
par amour pr toi que je suis pas venue à Avignon parce que j’ai vu que tu
ne le désirais pas et c’était juste avec la maman que tu as.
Maintenant il me reste la peine de ne pas l’avoir
fait mais je suis ainsi ne t’inquiète pas de moi surtout ; je fais tous
les efforts pr être hrse, un tout petit peu pr avoir un peu de la vaillance de
mon Jeanot et Dieu m’aidera, c’est entre ses mains que je te remets et c’est
lui seul qui peut te garder, s’il le juge bon.
Je n’éprouve pas le besoin mon grand
garçon chéri de l’exhorter à faire ton devoir avec vaillance je sais trop que
tu le feras mais ce que je te demande avec larmes et prières c’est de ne pas
t’exposer inutilement comme certains l’ont fait dans un zèle et une bravoure
inutiles. Cela, tu me le dois et j’y compte.
Suzie est revenue bien fatiguée de
son voyage, j’espère qu’elle sera vite remise après une ou deux nuits de bon
repos. Ns sommes restées hier tranquillement chez elle ou tante Anna et Laure sont
venues nous trouver et cette après midi ns sommes encore là ensemble toutes
deux et c’est ce qu’il y a de mieux pr moi, elle est si affectueuse pr sa
maman !
Ns
avons eu Mme Neri[1] un moment et avons ensuite examiné ma layette pr voir ce qui
restait à faire pour ton filleul[2].
Je vais être bien occupée avec tout cela et vais essayer de m’y mettre avec
courage ce sera une distraction. Le matin j’irai tjours à l’Hôpital. Mais j’y ai
moins d’entrain et cela me coûte.
Je suis si heureuse que tu aies une
ordonnance. Quelle différence de partir dans ces conditions là ! Cela
aurait été tout à fait bien si tu avais commandé tes bleus mais est-il dit que
tu resteras à la tête de cette section là ? Comme je suis peinée que tu
n’aies pas des hommes plus vaillants !
Hugo a reçu ce matin une bonne
lettre d’oncle Axel [Busck] lui en transmettant une de Rudy [Busck, cousin de Jean] ce dernier est envoyé au
repos mais cela ne lui dit rien de bon il a l’air de craindre un départ pr la
Turquie. Ce serait bien pénible. J’ai reçu ce matin un mot de toi avant ton
départ d’Avignon. J’attendrai maintenant impatiemment et tu feras tout ton
possible pour que j’ai des nouvelles très souvent.
Je t’embrasse mon fils cheri avec la
plus profonde et la plus grande des tendresses.
Ta vieille Alice pense à toi tout
autant que moi et ns t’embrassons tous quatre.
Ta maman qui vit avec toi.
Mathilde P Médard
Suzie t’envoie force tendresses
[1] Il s’agit de Jeanne Jalabert (1854-1927) épouse de
Néri Julien (1845-1918). Mathilde l’appelle « Mme Néri » au lieu de « Mme
Julien », pour la distinguer de ses deux belles-sœurs, également membres
de la paroisse de Sète.
[2]Suzanne Médard ép. Ekelund était alors enceinte de trois mois, et son frère Jean devait être le parrain de l’enfant à naître.
[2]Suzanne Médard ép. Ekelund était alors enceinte de trois mois, et son frère Jean devait être le parrain de l’enfant à naître.