lundi 18 avril 2016

Sète, 18 avril 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède, le 18 Avril 1916
            Mon enfant cheri, 

            Ton paquet arrive et j ai aussi ta lettre du 12 qui vient de Marseille.
            Il faut que tu me dises si tu ne t’es pas battu. Cette incertitude est terrible. Tu me parles de l’activité plus vive de l’artillerie boche. Cela n’a-t-il pas été suivi d’autre chose ? C’est encore en hâte que je t’écris. Tante Anna vient de venir avec Madeleine et après son depart Suzie me harcele pr que je l’accompagne dans sa visite de deuil à Mme Benker [née Olga Frisch] et à Mme A. Frisch [Gabrielle Berry, épouse Alfred Frisch. Mathilde donne l'initiale pour distinguer de son amie "Mme Frisch" (née Louise Cormouls), la mère d'Olga et d'Alfred]. Elle ne m’accorde que quelques instants pr t’écrire.
            Ce matin lettre de tante Suzanne m’annonçant la mort de sa tante Gueraud. Elle est tombée d’un étage et a survécu 18 mois dans des souffrances affreuses. Encore à ce moment j’aurais été utile car elle a du aller à Montauban pr l’ensevelissement.
            A Pâques Cocoï[1] prêche à Saverdun, je n’irai donc que dans le courant de la semaine de Pâques. Lucienne [Benoît, l’ainée des enfants de Georges Benoît et Suzanne Bergis] désire me voir et elle est la jusqu’au Dimanche de Casimodo.
            Pour toi il n’y a aucun changement. Pâques est un jour comme les autres, mon pauvre petit cheri !
            Dis moi une fois comment tu accommodes tes idées tes sentiments de cette vie si peu faite pr toi ! Dis-moi si tu crois que c’est le devoir de tuer, si Dieu ne considère pas cela comme un crime ? que m’as-tu dit lorsque ns avons causé de cela, redis le moi.
            En hâte. Tu ne peux croire combien Hugo est gentil beaucoup plus aimable et filial.
            En masse les caresses les plus tendres les plus chaudes.  

Ta vieille maman 

Na parle très bien, elle dit papa et bavarde sans arrêt.


[1] Surnom donné par ses camarades et ses étudiants à Léon Maury (1863-1931), un enseignant de la faculté de théologie de Montauban, ancien condisciple de Pierre Médard et ancien professeur de Jean, d’où l’utilisation du surnom par Mathilde, qui devait l’avoir entendu à la fois de la bouche de son mari et de celle de son fils, chacun en son temps.