28-4-16
Maman cherie
Je t écris mal ; toujours des
petits mots. Il m’est assez difficile d’ecrire de longues lettres. Certes les
loisirs à la tranchée ne manquent pas, mais des loisirs spéciaux, on est occupé
un quart d’heure non l’autre. On pense avoir une bonne soirée à soi, et tout à
coup un agent de liaison crie : « exercice d’alerte aux gaz »,
alors on saute sur son masque sur ses armes, quelques minutes de desordre avant
que chacun ait trouvé sa place de combat ou se soit acquitté de ces fonctions
spéciales en cas d’attaque par les gaz, puis c’est une attente d’une heure ou
plus sous un masque qui tient chaud. On transpire, on jure, on echange des mots
amers à l’adresse des commandants de brigade ou de division qui ont ordonné
l’alerte et la soirée est perdue ; c’est encore le travail de sa section
sur lequel il faut avoir l’œil, ou un relevé de terrain à faire dans le
secteur, et surtout les interminables leçons d’élève officier qu’on apprend
toujours et qu’on ne sait jamais.
Source : collections BDIC |
Je t’ai parlé des permissions ds une
de mes dernières lettres. Il ne faut pas compter me voir avant bien longtemps.
Lucien [Benoît] est bien heureux de revenir pour la 3ème
fois, chez nous le 1er tour est à peine fini.
Je viens de recevoir tes deux
lettres des 23 et 24. C’est terrible d’être retournée comme ça pour une lettre
de l’aumonier qui me soignait il y a un an. Pauvre Alice !
Je comprends que l’attente d’un
petit-enfant soit pour tante Anna un evenement. Pauvre chère tante Anna si ça
pouvait être là une source de joies. Elle qui en est sevrée, et qui a une vie
bien amère depuis quelques années.
Na est bien gloutonne ; je me
rappelle avec quel appetit elle avalait les biberons que je lui faisais
prendre, mais je ne croyais pas que ça s’étendrait aussi vite à du solide, à de
l’or à plus forte raison.
Tu me parles de tes lectures des
sermons de Raoul Allier ou de l’Oratoire [Wilfred Monod]. C’est toi qui aurait du en preter à tante Anna et non elle à
toi ; ds les paquets que j’ai rapporté de l’hopital ou du depot il y en a
des tas. Je les reçois toutes ici mais je ne les lis pas toutes. Oui, Mlle
[Léo] Viguier me fournit de la
pature.
J’ai reçu aussi ce soir 2 lettres
d’elle, retour de Lyon, Elle vient de voir à Paris P. Galley, qui a perdu un de
ses frères, je ne sais pas lequel. Je crois comprendre qu’il est mort de
maladie.
Reçu aussi de tante Fanny un paquet
de friandise, mais son gateau n’était pas aussi bon que le tien.
Dis à Suzon que les tablettes de
café c’est très bien. Elles ont l’avantage d’être solubles dans l’eau froide.
Mais j’ai peur que tous ces produits concentrés et spéciaux sont très chers
pour le profit qu’on en tire. Les
prisonniers de Suzon ne prefereraient-ils pas quelque chose de plus substantiel ?
Je te quitte, j’ai trop sommeil pour
ne pas bafouiller. Bien des choses affectueuses à tante Suzanne et à sa petite
famille. Details sur la vie d’oncle Georges [Benoît].
Tendresses à toi
Jean