Cette le 29 Avril 1915
Merci à Mr Krug
de sa complaisance. Je ne puis me passer de ma carte journalière, lorsqu’elle
me manque je suis désemparée. Comment n’as-tu pas, mon chéri des nouvelles
régulières ? J’écris tous les jours. Je suis pénétrée de l’ennui que tu
dois avoir et je ne vois pas le moment ou tu pourras partir mais voilà les
abcès qui retardent ce moment et t’arrêteras tu à ces deux ? D’après ta
carte de ce matin tu as du bien souffrir mon pauvre petit martyr. Que je voudrais
prendre ton mal mais je le supporterais bien sur moins vaillamment.
Je suis allée ce matin
faire une visite aux Brun et payer une voiture qu’ils m’avaient offerte pr
rentrer chez moi lors de la journée de Pâques, si terrible, puis revenue chez
Suzie ns avons travaillé tranquillement. Karine [Karin Möller] et Laure [Benoît] sont venues ns voir revenant
d’un concert d’eglise magnifique que ns ignorions. Madeleine [Benoît] va mieux, les 40
jours vont expirer et elle viendra un peu respirer le bon air de la villa – du
moins Suzie le lui a offert bien gentilment, offrant aussi de la garder tout le
jour [?]
Je voudrais bien des
détails que je n’ai pas. Quelle est ta nourriture ? prends-tu ces œufs tant
convoités ? des oranges ? Ne te donne-t-on pas du jus de viande ? Dors tu
la nuit ? T’a-t-on rasé les cheveux et les croutes de tête sont elles
tombées ? Peux-tu t’asseoir sur ton lit ?
On m’a prévenue qu’il
y avait au Lazaret un major qui t’avait visité à Verdun. Je n’ai pu le joindre,
j’irais tâcher de le trouver demain mais en somme j’ai des nouvelles plus
fraîches et directes et trouve même que tes cartes arrivent assez rapidement.
J’ai eu ce matin Jeudi
celle daté du 26 Lundi. Ne manque jamais de me l’adresser personnellement.
Ne peux-tu pas lire un
peu ? dans ce cas Mr Krug te donnerait bien des livres.
J’ai écrit à Mme Ménard
Dorian il y a déjà une huitaine très aimablement.
Je cours vite à la
poste, mon fils bien aimé. Recois nos tendresses et les plus chaudes de ta
maman.
Une bonne lettre de
tante Jeanne [Jeanne Médard épouse Beau] ce matin. Le pauvre Eugène [Beau] a faim [il était prisonnier de guerre]. Il dit que le capitaine Pagaïre de pan ["payeur de pain" en occitan] est au 250e. Cela veut dire pas beaucoup de pain 250 grammes par jour.
Maurice [Beau] est encore à Alexandrie. Loulou [Louis Beau] ne voit pas
le moment de partir. Tante Jeanne aspire à avoir des nouvelles de toi. Je ne
cesse d’écrire des lettres.