Mon état s’est
aggravé. Un jour ma peau s’irrite et se met à boursoufler, des ampoules se
forment sur tout mon corps et crèvent. Mon docteur m’installe dans une chambre
attenante où l’on transporte d’ordinaire les mourants pour épargner aux autres
le spectacle de leur agonie. Il ne s’agit pas d’agonie mais d’isolement. J’ai
attrapé un érysipèle.
Dès que le mal
est décelé on ne songe plus qu’à se débarrasser de moi. Je suis devenu un
danger public. On m’enveloppe sommairement d’une couverture qui colle à ma peau
privée d’épiderme et je suis transporté dans un hôpital de contagieux, à
Glorieux, un faubourg tout proche. J’y serai moins bien soigné qu’à Verdun.
Pourtant je
suis un cas et les docteurs viennent me voir par curiosité. D’ordinaire un
érysipèle est localisé sur un œil ou sur une zone très limitée de la peau. Or le
mal couvre mon corps tout entier. On doit m’entourer de pansements des pieds à
la tête. Seule ma figure, enflée et couverte de vaseline est à l’air libre. Je
suis fiévreux, monstrueux, nauséabond et bien misérable. Un infirmier, paysan
meusien tout à fait abruti, a remplacé les excellentes infirmières de l’hôpital
de Verdun.
Mémoires
de Jean Médard, 1970
(3ème partie : La guerre)