mardi 16 février 2016

Troyes, 16 février 1916 – Jean à sa mère

Troyes 16-2-16

            Maman chérie 

            Un moment de repit avant la grande secousse : une journée passée à Troyes.
            Je n’insiste pas sur les différentes phases du voyage jusqu’ici. Une journée et une demie nuit de chemin de fer jusqu’à Chartres la fin de la nuit sur la paille à cette dernière ville, trajet interminable jusqu’à Orléans, Montargis. Somnolence, lecture, collation avec des conserves de porc et de poisson. En route notre detachement fait boule de neige ; un peu partout il accroche d’autre detachements.
            Nous sommes ainsi arrivés très nombreux à Sens ds la soirée, le train complet, fantassins, artilleurs, sapeurs, soldats du train, etc etc. nous avons couché à Sens sur une paille moins fraiche que celle de Sens [sic pour Chartres] mais beaucoup moins froide. J’ai dormi. J’ai dormi encore ce matin ds le train de Sens à Troyes.
            En approchant de cette ville, je me disais « Si seulement je pouvais avoir 2 ou 3 heures pour voir Lestringant » Il est en effet hospitalisé ds cette ville. Nous devons y passer la journée. Je me précipite à la clinique : il venait de partir l’avant-veille après y avoir passé 5 mois. J’étais furieux et navré.  Je suis allé voir le pasteur [Ulric] Draussin que j’avais connu à Aix-les-Bains. Il était très occupé ; je n’y suis pas resté ; il m’a invité à diner pour le soir. J’ai dejeuner à l’hotel avec [Roger de] La Morinerie et deux gentils sergents. Les poilus du détachement sont decidement très bien ; ils tranchent sur ceux que nous prenons en route. Nous repartons ce soir. Je crois que nous debarquerons à Bouy. Il pleut, mais cette journée est vraiment une halte, un vrai repos. La ville est gentille avec de belles et vieilles eglises. Je n’ai en aucune façon le cafard. Au contraire, ce qui va se passer me passionne. Ça ne m’empêche pas d’ailleurs de penser à la maison avec beaucoup de chaleur, beaucoup d’intensité et bien souvent, à toi surtout maman chérie. 

Ton fils
Jean
 
           Je ne crois pas que ça barde trop sur mon secteur d'ici quelque temps.