Cette
le 29 février 1916
Seconde journée sans nouvelles c’est
déjà bien dur mais je me raisonne, je sais que les courriers subissent un
retard très sensible du aux opérations qui se poursuivent avec acharnement. J’espère que je n’aurai pas
longtemps à attendre – et j’attends avec confiance cette missive qui est ma
vie.
Au réveil le temps était atroce,
pluie diluvienne, neige fondue. Je rêvais douloureusement à ceux qui souffrent
si cruellement de ce temps affreux, de ce froid cruel, moi qui vois cela
derrière ma fenêtre. On m’a appelée pr faire la toilette de Na car ta sœur a un
gros furoncle à la jambe qui la fait bien souffrir. A onze heures, sous ces
avalanches d’eau est arrivée la chère Alice Herrmann[1] que Suzie n’osait attendre. Elle a apporté un
rayon de soleil. Elle vient de me raconter bien des choses intéressantes qui
t’intéresseraient. Mr [Henri] Bois a déjeuné chez elle Dimanche, il a présidé leur réunion de prière
à cinq heures. Il les a entretenus du mouvement qui a lieu en ce moment parait
il, très émouvant, au sein de la jeunesse chrétienne. Il venait de recevoir un rapport
de Melle Suzanne de Dietrich. Elle citait leurs jeunes filles à Paris qui viennent de se
consacrer comme « volontaires du Christ » et il y en a d’autres qui
seront connues bientôt. A Montpellier aussi le mouvement est sérieux. A la
réunion de prière de Dimanche, Alice a remarqué surtout trois jeunes gens très
émus très ébranlés. Parmi eux, Atger que tu connais. On se réunit tous les
quinze jours (Jeunesse chrétienne / jeunes gens et jeunes filles. Cela amène
encore un peu de timidité. Mais Alice veut se décider à prendre la parole à la
prochaine réunion ; elle ne sait pas encore bien le sujet qu’elle
choisira. Elle me prie de te transmettre ses très affectueuses amitiés. Je lui
ai lu quelques passages de tes dernières lettres. Si fort intéressantes et il
me tarde tellement de savoir ce qui suit.
J’espère que tu reçois, toi mes messages,
seulement des messages de tendresse, de l’affection la plus grande qui soit. Je
ne puis moi être intéressante. Je ne pense qu’à toi. J’espère que tu as reçu
notre petit paquet. Les berlingots sont d’Alice[2].
Je vais faire partir ce soir ou demain un colis mais quand l’auras tu.
Il fait ce soir un soleil splendide.
Je t’embrasse mon fils chéri des
millions de fois.
Ta mère très affectionnée
Math P. Médard
[1]
Rappel : Alice Herrmann, amie très proche de Suzanne, était aussi la
future belle-fille de Mathilde, puisqu’elle épousera Jean le 28 août 1919,
quelques jours avant sa démobilisation. Elle était très impliquée dans les
mouvements de la jeunesse chrétienne lycéenne. Henri Bois et Suzanne de
Dietrich sont deux théologiens protestants.
[2] Il s’agit
là vraisemblablement de l’autre Alice, la « vieille Alice », bonne de la famille depuis
des décennies.