Plélo
9-2-16
Maman cherie
Toujours rien de nouveau. L’attente
enervante. Heureusement depuis la carte de ce matin j’ai reçu tes cartes de
Dimanche et Lundi. Il m’en tardait. Ce n’est d’ailleurs pas ta faute. Qui
aurait pu penser que nous poiroterions si longtemps.
Oui, installe-toi chez Suzon. Ce
sera la sagesse. Comment va Na ? et son papa ?
Il fait un temps exécrable. Nous
sommes quand même venus dejeuner ici [Roger de] La Morinerie et moi. Au retour nous avons essuyé une véritable tempête
de pluie et de neige. Ça promet de bons moments pour la campagne. Je tiens
d’ailleurs absolument à avoir de veritables impressions de campagne d’hiver.
Le moral est toujours excellent. Si
cette attente est penible c’est surtout quand je pense que ce temps aurait été
tellement mieux employé à Cette.
Si tu dois vivre par la pensée avec
moi dans les tranchées, je t’assure que je vivrai avec vous tous au foyer, plus
que jamais.
Je t’ai peu parlé de mes deux jours
de permission à Paris. Pourtant le souvenir m’en poursuit. Elles ont été
specialement bonnes. J’ai passé la plus grande partie de mon temps avec
Mademoiselle [Léo] Viguier qui est une femme epatante et une
amie veritable. Sa grande tache actuellement est sa correspondance avec les
membres de la Federation. Elle est d’ailleurs peu connue ds la Fedé, où elle
occupait avant la guerre la place peu en vue de secretaire de [Charles] Grauss, et tout le temps, elle reçoit des
lettres adressées à Monsieur Viguier, ou des « Cher Monsieur ».
Maintenant c’est elle qui fait tout. Malheureusement elle a une santée très
précaire, et est specialement fatiguée ces temps-ci.
Le repas chez Wilfred [Monod] a été très reconfortant aussi. Il est
encore grandi par la guerre. Quand on est dans une pareille atmosphère le
devoir parait quelque chose de simple d’aisé, d’aimable même. Il faut arriver à
se créer cette atmosphère là quand on est seul.
J’ai aussi longuement causé le soir
avec Mme [Suzanne] Monnier, car je dinais à la Fac. Je suis
evidemment moins près d’elle que de Mlle Viguier mais je l’aime
beaucoup.
Je suis sans nouvelles de personne
parce que tout le monde me croit parti.
Je te quitte pour aller me secher
les pieds. Ils en ont besoin.
Très tendrement à toi
Jean