Villa
de Suède le 22 février 1916
Mon bien tendrement aimé
Ces quelques mots et les derniers te
parviendront sans doute en même temps puisque ma lettre de Dimanche a été
oubliée tout un jour sur la cheminée. Mais moi, je suis sans nouvelles
depuis ta lettre de Troyes arrivée
Samedi soir et aujourd’hui je suis bien désolée.
Puisque les lettres du front
arrivent en trois jours je devrais avoir des nouvelles. Tous ces raisonnements
ne servent à rien, le fait est là et il est triste.
Je viens de promener ma mélancolie à
ramasser [?] avec Na qui devient une superbe enfant, et
je rentre fatiguée pr écrire et faire partir ces mots à cinq heures l’heure des
Secteurs.
Nous attendons Alice ce soir, retour
de Montagnac où elle laisse son neveu [Maurice Bouirat] bien fatigué et nous allons prendre cette
vie de famille que tu désirais je crois pour moi. Il est sur qu elle m’est
douce et fortifiante et que seule à la maison à attendre tes missives je ne
pouvais supporter la durée des jours.
Excuse-moi de te parler ainsi à toi,
mon bien aimé. Je vais essayer de me créer une vie utile je ne vois pas bien
comment encore. Ici, il y a eu du travail ces jours ci car ns n’avons que Nounou
en ce moment comme service, Marie nous a quittés Dimanche comme je te le disais
et Suzie lui pardonne difficilement son ingratitude. Elle pourrait attendre le
retour d’Alice !
Je ne suis guère en état de t’écrire
ce soir. Tu pardonneras l’insignifiance de ces lignes. Je voudrais oh je
voudrais savoir quelque chose de toi.
Ns avons un temps très doux, si doux
que tout bourgeonne ; le printemps fait sentir son approche, il y a des
fleurs. Ns n’avons plus de feu et je voudrais que le ciel vous fut aussi
clément. En tous cas je grille de savoir ce que je puis t’envoyer pour te
garantir du froid.
Bonnes nouvelles aujourd’hui, un
zeppelin a été descendu, des taubs[1]
aussi mais cela ne hâte rien
hélas !
Mon bien aimé je t’embrasse avec la
plus profonde tendresse.
Ta mère affectionnée
Math P Médard
Hugo a apporté de Paris à Suzie un
appareil et elle va se mettre à faire de la photo. Nous t’envoyons le produit
de son travail.