Cette, le 5 mai 1915
Mon bien chéri
J’ai eu joie et peine ce matin au reçu de ta
carte. Joie profonde de sentir le mieux s’accentuer et peine pour toi profonde
de voir s’allonger les jours dans cette monotonie et cet ennui désespérants.
Pauvre cheri de moi !
En raccommodant des chaussettes toute l’après-midi
avec Suzie ns ns disions combien ce vilain travail ennuyeux serait rendu
attrayant en le faisant près de ton lit. Encore quelques longs jours patiemment
supportés. Je ne me doutais pas en te quittant qu’ils seraient si nombreux.
Tu ne me parles pas de tes granulations. En
souffres-tu encore ?
J’ai eu une longue lettre de Berthe Auriol,
hier au soir, elle me dit une chose qui m’a bien émue c’est qu’Yvonne Laporte a
songé à venir te voir à Verdun, mais on lui a dit que ton Hopital était trop
éloigné. C’est si touchant qu’elle ait pensé à toi. Son mari [Alfred Laporte] est mort en heros.
Blessé à l’oreille et au menton il a continué à se battre une autre balle l’a
atteint au côté, il est demeuré à la tête de ses soldats, la troisième a eu
raison de lui.
Jean Almairac est à Mazamet ou il apprend le
métier de soldat. Il fait les bouchées doubles me dit sa femme puisqu’il n’a
que deux mois d’apprentissage, et il est bien fatigué (le pauvre). As-tu su le
bombardement de Dunkerke. Comment concevoir pareille destruction par des
projectiles lancés à 25 kilomètres ?
Tante Fanny m’a fait parvenir une lettre de
Mme Nick donnant de tes nouvelles après la visite de son mari. Il a
assisté a ton repas dit elle composé d’œufs froids. J’ai vu à cela qu’il n’y
avait rien de changer et j en ai eu serrement de cœur.
Ce serait si consolant de te faire de bons
petits plats fortifiants. Mais cela viendra bien n’est-ce pas mon chéri !
Je voudrais écrire au major pr le remercier
de ses bons soins. Mais je ne veux rien en faire si cela te contrarie, dis le
moi en me donnant son nom et son titre. Donne moi aussi l’adresse de Maury, je
n’ai pu lui écrire ayant perdu l’enveloppe ou elle était inscrite.
Insiste pour être évacué dans le vrai midi
tu peux bien le lui demander puisqu’il est si bon pr toi.
Bonsoir mon fils, bonne nuit. As-tu un
meilleur lit ! dis moi si tu te remplis un peu.
Chaudes tendresses
Ta mère bien affectionnée
Math P. Médard