14-9-16
Maman cherie,
Source : Mémoire des hommes - JMO du 132ème R.I. |
Une étape de plus, qui ne nous rapproche presque pas du front, mais qui me separe de [Albert] Léo.
Hier soir, comme tous les soirs
j’étais allé diner et passer la soirée avec lui et en rentrant j’ai appris que
nous partions le lendemain matin à 5 heures. J’ai ressauté sur mon vélo pour
lui dire adieu. Je l’ai trouvé tout endormi, et je ne sais pas si à l’heure
qu’il est il a encore compris.
Ce revoir me laisse plein de force
et de joie. C’est « l’homme que je donne » et il m’a fait cette
impression cette fois plus que jamais. Il semble que l’idée de son propre
intérêt ne l’effleure jamais.
Il ne se sentait pas utile comme
aumonier, il s’est fait infirmier. Il ne s’est pas senti assez utile ds la
Somme comme infirmier regimentaire ; il veut se faire brancardier de
compagnie, le role le plus humble et le plus dangereux qui soit, mais aussi le
+ grand.
Source :
Pages de gloire du 68ème
régiment de chasseurs alpins (page 142)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6234134w |
Tout ça il le fait avec la plus
grande simplicité. Non par exhaltation, par besoin de rechercher la souffrance
et le danger, mais par amour. Il ne s’agit pas de savoir ce qui lui plait, mais
ce qui est le plus utile aux autres. C’est d’ailleurs justement ce qui lui
plait.
Et cette grandeur morale toujours
sous les apparences de la gaité et même de la gaminerie. C’est epatant.
Et c’est ce type là que j’ai eu à
coté de moi pendant plusieurs jours, et ns avons pu parler de tout, de notre
vie depuis le dernier revoir, de la guerre, de nos devoirs, de notre vocation,
de nos amis.
Je ne rapporte de tout ça qu’une
impression d’harmonie et de lumière, et même la separation n’est pas amère
parceque nous ns sentons très près l’un de l’autre et que notre amour est plus
fort que tout ce qui peut nous separer.
Avec tout ça, je ne t’accuse même
pas reception de tes lettres. Je souffre pourtant de te sentir maintenant isolée. Heureusement que Na est là. Je vous
embrasse toutes les deux, mes chéries, comme je vous aime.
Jean