Par bonheur
peu de jours après mon arrivée j’ai rencontré Maurice Lafon, l’un de mes amis
lycéens du groupe de Montauban, fils du pasteur Louis Lafon, qui possédait à
trois kilomètres de là une propriété et une vaste demeure pittoresque, la
Paillasse. J’y fus accueilli comme un enfant de la maison lorsque je pouvais,
le Dimanche en particulier, m’y échapper. L’amitié et l’hospitalité des Lafon
atténuèrent beaucoup pour moi ces premières semaines éprouvantes de
mobilisation. Elles étaient d’autant plus éprouvantes que les nouvelles de la
guerre étaient mauvaises. La censure et la propagande ne pouvaient pas
dissimuler nos échecs en Belgique et l’impressionnant recul de nos armées du
nord-ouest. D’une passerelle qui surmontait la ligne de chemin de fer nous
voyions défiler d’innombrables trains de blessés et les rubriques nécrologiques
des journaux la liste des « morts pour la France » s’allongeait
indéfiniment.
Mémoires de Jean Médard, 1970 (2ème partie : Enfance et jeunesse)