Le Lazaret. Au
centre, avec sa barbe blanche, le grand-père de Jean, le pasteur Lucien Benoît. Il est mort le 9
août 1908, la photo doit donc dater du début du 20ème siècle.
Source : Visite de Sète en cartes postales (http://compain2.free.fr/Cartes_postales/colonies.htm)
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Je retrouvais au Lazaret ma mère éplorée. Elle y
secondait alors le pasteur Brun, qui était alors le directeur de
l’établissement. Ce dernier, homme de l’Est, la rassurait, déclarait que la
guerre finirait en quelques semaines, avant que je puisse terminer ma formation
militaire, que les Allemands seraient écrasés, version française de la guerre
« fraîche et joyeuse ». Il avait des idées très personnelles sur la
stratégie : les Allemands, obligés de s’infiltrer par petits paquets entre
nos forts imprenables seraient forcément pris comme dans des souricières et
décimés.
Malgré mon ignorance je savais que l’armée allemande
était une machine de guerre très redoutable et j’étais loin de partager ce bel
optimisme. Je partais sans aucun enthousiasme, prévoyant qu’une dure épreuve
m’attendait et assez peu préparé spirituellement à l’affronter. Mais j’avais la
certitude que mon pays était victime d’une injuste agression et que mon devoir
évident était de le défendre contre le militarisme allemand. Je ne pensais pas m’engager
dans une guerre sainte, mais dans une guerre juste. Je le crois encore, bien
que plus tard j’aie dû reconnaître que les responsabilités de la guerre
n’étaient pas unilatérales. Est-ce qu’une politique plus pacifique, comme celle
qu’avait essayé de pratiquer Caillaux aurait pu, mieux que celle de Poincaré,
désamorcer le tonneau de poudre ?
Mémoires de Jean Médard, 1970 (2ème partie : Enfance et jeunesse)