Villa
Svéa ce 9 Octobre 1916
Ce matin tout le monde était
suspendu au courrier et moi j’attendais le cœur battant ; je ne pouvais croire à mon bonheur ; 2
cartes l’une du 3 et du 4, l’autre du 5. Cela a remonté mon courage pr attendre
encore car j’ai attendu quatre jours sans rien recevoir. Mon grand fils aimé
c’est terrible ce que tu dois souffrir et je donnerais tout ce que je possède
(ce n’est pas grand-chose) pour prendre la totalité de ta souffrance. Je
t’assure que je la vis ici car je vois ce que tu passes et je vois tous ces
braves qui ont partagé ta vie longtemps fauchés ainsi en quelques minutes. Pauvres
enfants ! quelle vie vous est faite. Moi je suis tombée un de ces jours
sur ce verset dans Jérémie. Ils reviendront du pays de l’ennemi. Il y a de
l’espérance pour toi dans l’avenir. Cela m’avait fortifiée. Je prie Dieu
ardemment sans cesse de te garder ton courage et ta force de nous garder l’un à
l’autre et jusqu’ici je suis exaucée.
Je pense sans cesse à ce brave Roulleau
si plein de vie et d’entrain et Brissaud que j’ai peu connu et surtout Lesur.
Il n’a pas longtemps joui de ses galons. Pauvre enfant.
Je me hâte ce soir ou j’ai du
courage parce que j’ai des nouvelles pr aller chez Mme Gétaz qui m’a
demandé d’aller la voir ; puis je te ferai partir un paquet pr tante
Fanny. As-tu reçu le mien ? et ton manteau de caoutchouc ? C’est
affreux pour moi de penser que tu es dans cette horrible humidité.
Puisque je prolonge mon séjour ici
je vais demander qu’on t’envoie au moins de Cette des chaussettes de laine.
Tu ne m’as jamais dit ou tu étais
exactement. Où dors tu tes quelques heures de repos ? et peux tu surmonter
ta fatigue ? Ne seras-tu pas bientôt amené à l’arrière ? Que veux-tu
pr te protéger de cette humidité demande le moi. Veux-tu de la kola.
Excuse le décousu de ces lignes. Je
suis un peu nerveuse et incohérente. Tante Fanny va de mieux en mieux et veut
me garder mais j’aimerais partir mais n’ose pas bouger à cause des courriers qui
me cherchent ici.
Tous les cœurs ici sont pleins de
toi et le mien est tout à toi ! C’est à peine si je pense à
« Na ».
Crois-tu que vs serez longtemps dans
la fournaise.
Reçois les caresses d’une maman qui
t’aime par-dessus-tout.