dimanche 9 octobre 2016

Marseille, 9 octobre 1916 – Mathilde à son fils

Villa Svéa ce 9 Octobre 1916 

            Ce matin tout le monde était suspendu au courrier et moi j’attendais le cœur battant ; je  ne pouvais croire à mon bonheur ; 2 cartes l’une du 3 et du 4, l’autre du 5. Cela a remonté mon courage pr attendre encore car j’ai attendu quatre jours sans rien recevoir. Mon grand fils aimé c’est terrible ce que tu dois souffrir et je donnerais tout ce que je possède (ce n’est pas grand-chose) pour prendre la totalité de ta souffrance. Je t’assure que je la vis ici car je vois ce que tu passes et je vois tous ces braves qui ont partagé ta vie longtemps fauchés ainsi en quelques minutes. Pauvres enfants ! quelle vie vous est faite. Moi je suis tombée un de ces jours sur ce verset dans Jérémie. Ils reviendront du pays de l’ennemi. Il y a de l’espérance pour toi dans l’avenir. Cela m’avait fortifiée. Je prie Dieu ardemment sans cesse de te garder ton courage et ta force de nous garder l’un à l’autre et jusqu’ici je suis exaucée.
            Je pense sans cesse à ce brave Roulleau si plein de vie et d’entrain et Brissaud que j’ai peu connu et surtout Lesur. Il n’a pas longtemps joui de ses galons. Pauvre enfant.
            Je me hâte ce soir ou j’ai du courage parce que j’ai des nouvelles pr aller chez Mme Gétaz qui m’a demandé d’aller la voir ; puis je te ferai partir un paquet pr tante Fanny. As-tu reçu le mien ? et ton manteau de caoutchouc ? C’est affreux pour moi de penser que tu es dans cette horrible humidité.
            Puisque je prolonge mon séjour ici je vais demander qu’on t’envoie au moins de Cette des chaussettes de laine.
            Tu ne m’as jamais dit ou tu étais exactement. Où dors tu tes quelques heures de repos ? et peux tu surmonter ta fatigue ? Ne seras-tu pas bientôt amené à l’arrière ? Que veux-tu pr te protéger de cette humidité demande le moi. Veux-tu de la kola.
            Excuse le décousu de ces lignes. Je suis un peu nerveuse et incohérente. Tante Fanny va de mieux en mieux et veut me garder mais j’aimerais partir mais n’ose pas bouger à cause des courriers qui me cherchent ici.
            Tous les cœurs ici sont pleins de toi et le mien est tout à toi ! C’est à peine si je pense à « Na ».
            Crois-tu que vs serez longtemps dans la fournaise.
            Reçois les caresses d’une maman qui t’aime par-dessus-tout.