mardi 25 octobre 2016

Marseille, 25 octobre 1916 – Mathilde à son fils

Villa Svéa ce 25 Octobre 1916
            Mon fils chéri 

            Je reçois à l’instant ta lettre du 19 que j’ai attendu de longs jours et qui quoique remplie d’un interêt passionnant, m’a apporté et tu le penses bien la plus vive désillusion, car je n’ose parler de peine, puisque tu es là, sans égratignure, et que j’ai promis de ne pas me plaindre.
            La peine est amère tout de même, à bien des points de vue pour moi pr tout ce que j’avais amassé de tendresse contenue que j’espèrais déverser avec abondance, pour mon cœur qui avait besoin de se réchauffer à ta tendre et chaude affection, pour tout ce que j’espèrais savoir de vive voix et que je ne saurais pas de longtemps peut être, pour toi surtout qui avais mérité cette douceur et qui reste à la peine au lieu d’être au repos. Et puis faut il se réjouir de ce que tu sois versé dans les mitrailleuses ? N’est on pas encore plus exposé ? Fanny m’assure et ses filles aussi que c’est préférable que l’on est plus à l’abri est-ce vrai ? dis-moi toute la vérité que je veux toujours savoir.
            Es-tu couvert n’as-tu pas bien froid dans ton abri de branchage. Comptes-tu y être longtemps ?
            Une chose que j’aimerais aussi savoir c’est si tu as pris part avec ta section à une attaque vraie, ou si tu es resté dans les tranchées de 1ère ligne. As-tu du te battre personnellement je ne le sais jamais. J’avais toujours pensé que, bien que tu ne l’ai pas dit après le 7 tu avais du remonter en 1ère ligne.
            Aussi je t’attendais ici très nerveuse, très excitée, pour un peu je serais allée tous les jours t’attendre à la gare maintenant malgrè tous les efforts faits pour me retenir, je veux revenir à la maison, chez Suzie, où je règlerai au mieux, je l’espère la question appartement. Peut-être serai-je là encore la semaine et partirai-je au commencement de l’autre.
            As-tu lu le beau succès de Verdun ? mais par contre la défaite Roumaine retarde encore l’heure de la délivrance.
            Et avec l’hiver avec son triste cortège de froid, de pluie, de souffrance. Te sers-tu de ton caoutchouc ?
            Penses-tu quitter ta section et tes chefs ? Cela te sera bien pénible.
            As-tu écrit à Mme Gétaz ?
            Tante Fanny est mieux depuis hier, si cela continue je la laisserai avec moins de regrets.
            Adieu, mon bien aimé. Dieu qui veille sur toi conduit les évènements et nous devons nous remettre confiants entre ses mains paternelles.
            Je t’envoie toute ma tendresse. 

Ta vieille maman 

            Penses-tu être envoyé au danger d’ici quelque temps ?