Cette le 1er Mai 1917
Mon aimé
Hier journée maussade due sans doute
au cavalier Troupet. Ns ne sommes pas sorties avec Elna et j’en ai profité pr
aller voir Yvonne Laporte maintenant notre voisine. Une personne bien
sympathique dans sa douleur qu’elle porte si dignement. Ns avons longuement
parlé de son mari qui était un chrétien véritable et des journées inoubliables
que tu viens de vivre. J’ai été aussi voir Mme Auriol [Louise
Winberg, veuve Auriol, vielle amie de Mathilde] (moins intéressant) et suis
vite rentrée pr reprendre ma couture. J’ai trouvé tante Anna et ton bon cher
message du 24 avec une carte retardée du 19 ou tu me dis que vs êtes dans un
somptueux abri boche. J’ai pensé qu’elle était du 18 vu les événements car j’en
ai eu une du 19 en son temps. Et te voilà revenu à l’Etat M. Que j’en suis
heureuse et reconnaissante ! Si le travail est monotone et n’est pas dans
tes cordes, je dirai comme ton Colonel « L’expérience
viendra ». Ton devoir tu le feras toujours avec la grâce de Dieu et tu
satisferas sûrement aux exigences du service avec intelligence et honneur. Tu
sais que j’ai une haute idée de mon fils et ma foi… comme il est plus que
modeste j’ai bien le droit moi de le lui laisser voir.
Avec cela je n’ose pas trop me
féliciter car je ne sais jamais pr combien de temps est ce répit dans tes souffrances,
dans la mienne…….
Pendant que je suis avec toi le
docteur est dans la chambre de Suzie. Hugo n’est pas bien du tout et son état
d’applatissement ns préoccupe. Il souffre comme souffrait ton père de maux de
tête très grands et ne supporte pas la fatigue. Hier il me demandait ce que
disait ta lettre… mais dites moi et ne lisez pas a-t-il demandé. Je ne puis
plus lire une lettre. Suzie a aussi des misères. C’est ta vieille maman qui
malgré l’orage qui est souvent en elle est le mieux et Elna… qui est soufflée.
Elle est en ce moment aux prises avec quelques gobis[1]
encore vivants dans la casserole et on ne peut l’arracher à cette occupation
passionnante. Elle les attrape et les fait sauter et est folle de plaisir tout
en poussant des Ô Pauv. Ô pauv. tout à
fait convaincus.
Elle s’essaie bien à parler et Jean/oncle
Jean, joue un grand rôle dans son existence.
Le docteur part il est rassurant pr
Suzie qui ne souffre que de varices dues à son etat. Pr Hugo c’est du
surmenage et il ordonne des piqûres reconstituantes, deux potions au phosphore,
pas de fatigue.
Et vous… vous n’avez pas le temps
d’être reconstitués. Il faut marcher quand même. Parle moi de ton nouveau
colonel. Quel est-il. Est-ce lui qui t’a appelé à ces nouvelles
fonctions ?
Il pleut lamentablement. Je te
quitte pr aller m’occuper de cuisine.
Avec tout mon cœur
Ta maman
[1] Gobie, en fait. Petit poisson.