19/5/1917
Maman chérie
Je ne t’ai pas écrit hier. J’ai
passé une partie de ma journée un peu à l’arrière, à la Division où j’avais été
envoyé par le Colonel [Adrien Perret]. Diversion très appréciable. C’est
reposant pour l’œil et pour l’esprit de quitter le terrain volcanique et
marmité, ou de quitter la grotte. La vallée qui était autrefois la première
ligne a gardé très peu de traces de son malheur. Evidemment, les villages y
sont très abimés, mais la vegetation y est si luxuriante, il y a tellement de
verdure et de fleurs qu’on ne voit plus les brèches ds les murs et les trous
dans les toits.
Là bas j’ai été très aimablement
reçu j’ai dejeuné à la table du general, qui n’est pas mauvaise.
Ici nous vivons dans une grotte
caverne – il y en a partout dans le pays – nous sommes nombreux types de mon
age et vivons aussi gaiement qu’on peut le faire dans les conditions actuelles.
Mais le jour où on parlera de relève, je t’assure que nous serons contents.
Je reçois chaque jour et le plus
souvent très vite tes bonnes lettres.
T’ai-je dit que [Charles] Galais[1]
était blessé… pas grièvement heureusement.
Nous allons nous mettre à table, je te
quitte, c’est une des distractions les plus absorbantes de la journée.
Très tendrement à toi
Jean
Source : JMO du 132ème
R.I. - 19 mai 1917 |
[1] En permanence, que ce soit dans les mémoires ou dans la correspondance, Jean orthographie « Galley ». Mais le JMO et Mémoire des hommes permettent de savoir qu’il s’agit en fait de Charles Galais (1879-1918).