jeudi 11 mai 2017

Creute des Grinons, 11 mai 1917 – Jean à sa mère

11/5/1917
            Maman chérie 

            C’est vrai que je t’écris des lettres laconiques. Il ne m’est guère possible pour le moment de faire autrement.
            Je suis detaché depuis deux jours à l’Etat Major de l’Infanterie.
            Actuellement c’est la nuit. Je prends mon quart de veille au téléphone ou pour n’importe quoi. C’est le seul moment calme de la journée. Mais le quart est moins dur qu’en première ligne, je t’assure C’est presque le confort ; tout à l’heure je vais trouver presque un lit.
Source : collections BDIC
           Ce qui est beaucoup plus appréciable c’est le voisinage avec Hervé que je puis voir à toute heure du jour et de la nuit. Je vois aussi beaucoup Mr [Louis] Guilliny.
            Au regiment rien de nouveau. Nous esperons que la relève n’est pas trop lointaine, mais on ne sait jamais.
            Ce qu’il y a de plus embetant ici c’est une agitation ahurissante Au bout de quelques jours de ce regime on ne sait plus ce qu’on fait. Je te parlerai plus tard de mes compagnons de l’heure.
            J’ai eu de bonnes nouvelles de [Albert] Léo par sa femme [née Madeleine Bouffé]. Sa plaie est un peu infectée mais en somme en bonne voie. Mlle [Léo] Viguier qui était restée encore un long temps sans nouvelles de Westphal en a reçu de nouveau. Bonne lettre de Jean Lichtenstein.
            J’ai beaucoup entendu parler du livre de [André] Cornet-Auquier dont tu me parles[1]. J’espère pouvoir le lire en son temps. Pour le moment je vis un peu au jour le jour, comme une bête. Ce petit bavardage avec toi est le seul vrai delassement et c’est bien doux quoique très incomplet.
Très tendrement 

Jean

[1] Un soldat sans peur et sans reproche, ouvrage publié en 1917, composé d’extraits de la correspondance du capitaine Cornet-Auquier (1887-1916) et du discours, prononcé lors du service funèbre au temple de Châlons-sur-Marne, par le pasteur Henri Gambier.