Cette le 2 Mai 1917
Mon grand aimé
Voilà ce temps fini qui me donnait
un peu d’apaisement dans les angoisses. Ta lettre du 25 reçue hier au soir me
dit que tu es déjà de retour à la 5e où je te suis avec infiniment
d’amour et de tristesse comprenant celle qui inonde ton cœur.
Encore et toujours que Dieu soit ton
secours dans ces heures de mélancolie qui seront profondes parce que tu auras
plus de temps pour penser.
Mais je ne comprends pas pourquoi tu
n’es pas resté "officier de liaison" ? N’était-ce pas une nomination
définitive ou le changement tient il au changement de colonel qui en aurait
voulu un autre ? Dis moi tout cela et si tu es aussi bien vu par ton colo
que par le colonel Théron…
Pour ce qui est des objets disparus
c’est attristant par ce que tout cela va te manquer jusqu’à ce que tu l’aies à
nouveau mais c’est bien sûr peu de chose puisque toi tu es là. Seulement,
faut il que je te les remplace et ne te gêne en rien. J’ai de l’argent à toi
dis moi ce que tu n’as pu remplacer bien vite. Tu sais que je ne veux pas que
tu sois sans manteau de caoutchouc, mais il vaut mieux le faire venir de Paris.
Dis-moi si tu t’en es occupé – et ce que tu comptes faire.
Ici rien à conter de notre vie
toujours la même.
J’ai eu hier une lettre de tante
Fanny en même temps que la tienne. Rudy [Busck] a eu des pertes dans sa
batterie, alors sa mère et son père sont très navrés. Il supplie qu’on lui
envoie des paquets et surtout tabac et cigarettes presque impossibles à se
procurer. Tu n’en demandes pas ; en as-tu ?
Annie [Busck ép. Houter] est partie
pr Paris voir Edouard [Houter] sans doute. Si ns sommes à temps on pourrait
s’adresser à elle pr l’achat du caoutchouc.
Je n’ai pas de nouvelles de mon
pauvre Lalouette. J’ai bien peur.
Hugo est toujours fatigué, Suzie
l’exhorte à prendre du repos, elle parle beaucoup de partir en bande dès Juin
pr la montagne. Il s’en ennuierait comme il n’est pas possible, je crains qu’il
ne soit pas mûr encore à cette idée.
Ils sont allés Lundi soir entendre
une conférence de Millerin [?] sur la guerre. Mais ils sont revenus
indignés de ce que après avoir entendu des choses tragiques dites par un homme
qui a perdu son fils unique à la guerre, le public Cettois a tenu à terminer la
séance par un peu de cinéma et des rigolades. C’est bien Cettois. Suzie et Hugo
ont protesté en partant.
Voilà l’heure du courrier je te
quitte en t’embrassant follement. Il me tarde bien de savoir ce qu’on a fait de
toi.
Ta maman