Cette le 18/5 1917
Mon fils aimé
Ce sera moi qui serai laconique
aujourd’hui ; déjà hier je t’ai fait faux bond ayant eu le matin le culte,
le soir tante Anna ses filles [Madeleine et Laure Benoît] belle-fille [Yvonne
Bouscaren ép. de Lucien Benoît] bébé [Pierre Benoît] et tante Jenny [Scheydt] à
prendre le thé. Réunion très cordiale. Ce matin Suzie vient de se remettre au
lit avec de vilains tournements de tête et les soins du ménage et d’Elna
m’incombent en entier.
J’ai eu avant-hier soir ta bonne
chère du 11. Je te pardonne tout à fait d’être si succinct dans tes
messages ; tu sais et tu comprends je voudrais tant vivre de ta vie à tes
côtés et tu dois trouver, toi, que c’est mieux pr moi que cela ne soit pas.
Mais Dieu m’accorde encore la grâce
de te sentir à l’Etat Major ; si tu savais quel apaisement cela m’est.
Penses-tu que cela puisse durer ? et que vraiment bientôt sonne l’heure de
la vraie relève ? Alors tu viendras bientôt après n’est ce pas ?
Quel bénédiction aussi cette réunion
avec Hervé [Leenhardt]. Ah ! que j’en suis heureuse et reconnaissante. Y
a-t-il entre vous plus d’intimité une plus étroite union ?
Hier tu te serais amusé de voir nos
deux petits se disputer. Pierrot [Benoît] est le plus placide des bébés mais
Elna lui arrachait des mains tout ce qui est en propre à Ena. Ché à Ena dit
elle sans cesse. Le soir elle s’est couchée sans diner ayant refusé de laisser
sa mère la faire manger. Ena tou cheul. Oh je t’assure que les père et mère ne
plaisantent pas, elle est à une rude école. Moi je ne dis rien, je n’en pense
pas moins et je suis incriminée.
Figure-toi la grande douceur qu’à
tante Anna. Le grand directeur des messageries maritimes lui a écrit une lettre
exquise pr lui dire que leur désir était que toutes les unités nouvelles en
construction devaient porter le nom d’un de leurs collaborateurs mort en héros pr
en perpétuer le souvenir et que l’on avait tenu à ce que la première unité
sortant des chantiers porte de le nom de Docteur Pierre Benoît. C’est dit
d’une façon si simple et si belle. Tu penses combien ta tante en est émue.
Source : Gilles Morlock in Destins brisés de la faculté de médecine de Montpellier |
Je comprends ce que ce bruit
assourdissant doit être et je souhaite bien ardemment qu’il soit vite loin de
toi.
Bons et infinis baisers de ta mère.